Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

01 juillet 2005

Sète-soir II-1-7

LES GABIANS

Vers le port de pêche ils n’ont plus les mêmes résonances. Ils planent haut, ils vont chercher les bateaux qui rentrent vers 5 heures, les font franchir la passe, tombent en piqué sur les cadeaux que les pêcheurs en déchargeant leur balancent. Si nombreux ils ne se gênent pas les uns les autres. Leur ballet paraît parfaitement réglé. Ils reviennent vers la haute mer autour des bateaux qui s’en vont jusqu’à Frontignan congeler l’excès de pêche du jour. Puis, d’une nuée, s’éparpillent, peut-être jusqu’au Maroc ou seulement vers la pointe d’Agde.
A plat dos, la tête tournée vers eux, je suis leurs belles courbes, leurs queues d’aronde, leurs broderies d’air bleu. Je suis des yeux, je suis comme eux. Légère, tournoyante à l’arrêt.
Je repense à cette impression de calme bonheur, mardi soir en attendant le concert. Je m’étais allongée sur l’herbe de la petite cour derrière La Guinguette, heureuse de cette mise à disposition du patron : un espace à l’arrière de la rue, îlot de paix au milieu des immeubles, son espace familial intime auquel il tient, avec un gros cerisier en fin de production qui avait semé ses cerises confites de soleil par terre. J’ai regardé voler les hirondelles au dessus de moi et là, comme hier sur la plage, le temps s’est arrêté de passer. A fixé son ancre juste au-dessus de moi. Le temps des oiseaux.
Papa m’appelait « l’hirondelle ». Je sais pourquoi maintenant.

LE MOLE
J’aime cette arrivée sur le môle qui clôt l’entrée du port pour le mettre à l’abri des courants. Un bateau- guide va chercher les bateaux pour les accompagner et leur faire franchir la passe. Le sol est dallé de belles pierres cimentées entre elles. Un morceau parfois manque à l’appel. Un muret côté mer, mais il suffit de grimper sur le trottoir pour la voir, venant casser les cailloux de ses grosses vagues sur l’enrochement de la rive. La plaque commémorative dit : EXODUS

En pensée je fais un détour par « le journal de Sidonie ». J’ai recommencé à le corriger. Il serait bien que j’ai achevé au retour de Julie.

LES ROCHERS

Ceux du haut que la vague aujourd’hui n’atteint pas ne sont pas nettoyés au cascher par les services municipaux. Y traînent des sacs en plastique, des serviettes, des bouchons. Pourtant dans l’ensemble les rochers ont bonne mine. Les baigneurs aussi. Silencieux pour la plupart. Solitaires mais paisibles. Je remarque à proximité de mon campement deux superbes spécimens de jeunes hommes bronzés, minces, en accord avec le paysage et leur intérieur. Je repense à des photos que j’ai faites de ces rochers. Du temps de mon malheureux appareil photo classique. Pourquoi, fille de la terre, suis-je tant attirée, et de plus en plus, par la beauté des roches. Une solidification, une concrétion de mes idées d’envol ?

LES LIVRES ET LA PLAGE

Hanif Kureishi « Le corps » acheté ce matin
« … un acteur gay que je connaissais m’avait dit un fois
« Où que j’aille dans le monde, il me suffit d’un coup d’œil et je vois le besoin. Citoyen de nulle part, j’habite le Pays de Baise » Les homos réinventaient l’amour en le maintenant proche de l’instinct. »
Le personnage a choisi d’intégrer pour six mois un corps nouveau qu’il a choisi instinctivement au magasin d’accessoires : le corps d’un jeune homosexuel, lui qui en a soixante-cinq.
L’argument m’intéresse. L’histoire m’intéresse et le mode d’écriture. J’ai choisi le livre en vitrine sur son titre pensant l’offrir à P. Me le suis gardé pour le lire dès la deuxième page traversée.
Comment intégrer un corps jeune, différent, en expérimentation de découvertes, dans un mental âgé ? Ce n’est pas vraiment un problème, mon problème est plutôt « comment adapter mon corps âgé mais si subtil d’expérience, dans ce mental rajeuni que je sens de plus en plus prêt à vivre du nouveau ?

LA JOLIE ROBE

« C’est pas vilain » ai-je dit à haute voix en feuilletant les robes sur le port devant la boutique installée sur le trottoir et l’ancienne case de pêcheur. Insolite cet emplacement coincé entre la rue du haut et l’arrivée des bateaux de pêche. A côté une ancienne case occupé par les filets à farniente tressés par un vieux pêcheur, les coquillages dans des casiers, en vente aussi. Il y a toujours là un quarteron de vieux pêcheurs qui discutent le coup. Une femme était assise avec eux. Elle m’a fait un gentil sourire quand je suis passé avec la robe fraîchement achetée et enfilée par dessus mon short.
L’artisane avait entendu « c’est pas vilain »
- Bien sûr que c’est beau ! Regardez !
Elle a surgi pour épeler avec moi les présentoirs sur le quai. Je suis entrée et la robe rouge-rose-fushine m’a aussitôt fait signe. Celle-ci était déjà réservée. Il n’a fallu que deux minutes, à peine, pour qu’elle me la donne ( vende : 32 euros).
J’ai prononcé le mot magique « Tahiti ! »
- Mais oui ! J’y ai vécu quatorze ans
Et patati et patata. Nous sommes amies. La robe est belle. Moi, dans la robe. Idem : changement d’enveloppe quand nous pourrons changer de corps pour six mois. Moins chère ma solution ! Efficace. Adaptée pour la chanson :

« Elle avait mis sa jolie robe
sa jolie robe d’aujourd’hui
sortie tout droit de la garde-robe
avec des fleurs et sans souci … Etc …

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