Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

17 novembre 2005

SOUFFRANCE

SOUFFRANCE au passé 1988

Curieuse coïncidence que votre envoi au moment où je croyais n’avoir plus rien à me dire, à m’expliquer sur la souffrance. Le texte de la conférence m’est abstrait et la réflexion trop enrobée de cette distance qu’a pris l’auteur à l’égard de son sujet, distance trop grande pour que j’y puise un réconfort. Le réconfort c’est l’envoi lui-même mais le scandale de la souffrance m’atteint toujours quelle que soit la parole qui tente de l’approcher. Je ne crois pas qu’on puisse aborder la souffrance par quelque biais de compréhension que ce soit sans se dire SA souffrance, sans se la chanter, sans se l’extraire, sans s’en moquer. Le scandale est d’avoir donné à Plaisir et Souffrance qui siègent dans ce même corps-esprit, des lieux sociaux d’expression ou de soins différents. Hôpital, Eglise, Ecole, Maison de retraite … Commodité des distinctions. Si la souffrance est la séparation d’avec soi-même dans un monde divisé, notre seule chance de bonheur, de sens à notre vie, est l’acceptation de l’unité, de la globalité de chacun, de soi en particulier. Et donc … je vous en prie : décrochez cette image abominable, obsédante, du Christ en croix. Choisissez s’il est homme de lui donner une paix en cendres ou en terre. Nous ne pouvons naviguer entre cet angelot dans les bars de sa mère et cette torture savante, noueuse, répétée, d’un homme arraché, (un parmi tant d’autres) à sa destinée d’homme entre Noël et crucifixion.
Ma mère souffre aujourd’hui de l’attrait de la souffrance comme moyen dernier et dérisoire d’être importante aux yeux des autres et à ses propres yeux. Cette souffrance qu’elle s’ingénie à communiquer, inconsciemment bien sûr, lui fait par son intensité passer à côté du seul remède qui l’apaiserait : accepter que ses enfants ne soient pas elle, qu’ils mangent quand elle n’a pas faim, qu’ils aiment ce qu’elle déteste, qu’ils vivent quand elle va mourir. Que la nuit vienne après et avant le jour, la mort après et avant la vie.
Et moi, sa fille, je ne peux l’aider qu’en fuyant cette souffrance, qu’en regroupant en moi suffisamment de légitimes joies pour que s’arrête cette bagarre en elle qui va aller jusqu’à délabrer son esprit.
Je ne sais pas ce qu’est la prière. Je sais qu’on a parfois prié pour moi et que ça m’a aidé. Je sais aussi qu’il y a des formes d’amour qui éclosent quand on ne les attend plus. Parlez-lui et si vous le pouvez priez pour elle.

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil