Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

23 novembre 2005

TABLE d'ECRITURE


Années 1980
Je lis, j’écris, je me rends à des rencontres de femmes écrivaines ( j’apprends l’adjectif). Après une de ces journées à Villeurbanne où je côtoie Régine Desforges de « La bicyclette bleue, » Emilie Carles de « Une soupe aux herbes sauvages » et autre « Ocarina rouge » j’adresse à une autre participante la lettre suivante

Chère Madame
Avant que votre visage n’ait disparu de mes yeux
J’ai aimé votre sourire et sa paix dans l’affirmation du droit et du bonheur d’écrire. Plus que ce que vous disiez sur l’écartèlement de la femme entre sa table d’écriture et les nécessités quotidiennes, entre son plaisir et le doute de trouver un compromis acceptable, votre apparence était une preuve et un encouragement.
J’avais déjà découvert que les barrières étaient en nous, les contradictions souvent complaisamment douloureuses. Le choix est relativement facile entre le bouquet et la page, le sourire de l’enfant et la grimace que cette page enfin conquise renvoie à notre vanité. Parce que le tribunal est en nous. La reconnaissance de soi-même, l’acceptation de ce que l’on est, l’amour que l’on se porte, viennent lentement certes mais facilitent ce choix. Ce qui reste difficile à vivre, ce qui me reste encore difficile, c’est d’affronter le regard de l’autre et ses critères de reconnaissance, d’acceptation, d’amour … Difficile d’admettre, et joyeusement, que nos différences soient si fondamentales que nous ne nous supportons pas, et que, loin de me lire, il me raye, il m’occulte. L’autre … dans un premier temps mon mari, ma fille, ma sœur, ma mère, mon voisin, mon collègue de travail … le terrible Autre qui veut tant sur moi, qui peut tant.
Voilà qu’à mon tour je veux. Je veux ces signes hésitants qui m’observent et témoignent. Cet acte plus fort que les naissances, les enfantements, les unions, qui ne concerne que moi, m’éloigne et m’isole. Irréversiblement. Pour la première fois j’ai pris Moi-même à mon piège et j’ai ouvert les cages. Plus de dedans et de dehors. Le bonheur de la chambre étroite et de la fenêtre qui s’ouvre. L’effarement qu’aucun grand vent n’a tout balayé, que seule une petite brise circule … La première page jaillie, arrachée, engage toutes les autres. Mais vous connaissez déjà cette histoire.
Permettez-moi de vous adresser ces « Chroniques de l’amour qui n’en finit pas et de la vie qui continue »
Peut-être disent-elles, pas seulement pour moi que l’écriture est acte d’amour, de construction de la personne. Ce qui fera toujours d’un livre, quel qu’il soit, un bouquet parmi tant d’autres. Rien qu’un bouquet éphémère. Tout un bouquet, couleurs, parfums, audaces, d’un bel instant cueilli.
La dame m’envoya un avis précieux sur le recueil « la vie gronde en vous » dont je me souviens ce jour de retrouvailles avec le brouillon de la lettre. Mais j’ai perdu le nom de la dame …

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