Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

08 décembre 2005

MOTS DE MON PERE


V’là la pichole qui m’est revenue
c’matin en ouvrant mes volets
Grande, béante, reconnue
pleine de pommes et de noisettes
ou du cresson de la rivière
ou des anguilles et de lottes
enveloppées dans l’herbe fraîche.
Je l’ai expliquée à mon Pierre
éblouie qu’elle soit encore
grande, béante, et si pleine
que je peux y puiser l’aurore.
- Une poche spécialement
cousue à l’intérieur
pour se protéger des voleurs ?
Mais non, bêta ! Une pichole
n’est rien autre que cet espace
récupéré à cœur ouvert
entre chemise et flanelle.
C’est vaste comme une maison
On peut y faire entrer le ciel.
C’est plein de surprises, c’est bon …
Parfois elle revient de l’usine
avec des roses-des-prés tout blancs
Parfois elle grimpe aux tiges fines
et te ramène … une chambrotte (sauterelle)
ou un quincouarne … (hanneton)
Si tu voyais comme je vois
ces poils follets blonds qui dépassent
sans me regarder dans la glace
je sais que j’en pleure de joie.

Rien qu’un mot soudain redonné
noyant l’absence en son filet
me rendant jusqu’à la voix muette
qui annonce encore des cueillettes.

Des filles ont eu pour père un roi
un directeur, un maître d’école
Moi, c’est le Roi de la Pichole
qui m’a faite de ses dix doigts
passée par le sein maternel
entre chemise et flanelle.

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil