Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

03 mai 2006

FIN DE VIE


La vieille dame

Je marche avec sa fille. La vieille dame s’appelle A. comme moi en second prénom.
J’ai proposé à N., un peu de promenade autour de l’hôpital, sans l’appeler par ce prénom entendu quand elle chuchote des tendresses à sa mère et se nomme, espérant se faire reconnaître. Je ne lui ai pas donné mon prénom, peu de renseignements sur moi si ce n’est que moi aussi j’ai attendu devant un lit où était ma mère ce que je savais être le dernier parcours.
N. me raconte sa famille. Seule, (elle n’est pas mariée) elle a toujours vécu avec sa mère, dans la maison que ses parents avaient achetée. Et pêle-mêle les malheurs : la chute de maman, la cécité du père puis son décès, le suicide du frère entraînant dans la mort sa femme et sa petite fille.
La vieille dame est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Sa sœur aînée vient de mourir à 98 ans mais N. lui a caché cette mort. Depuis Novembre A. ne va pas bien. Elle arrache les fleurs au jardin sous prétexte de désherber, toute l’allée des jacinthes. On ne peut plus la laisser seule et N. se culpabilise de l’avoir amenée en vacances ici sur les conseils du médecin. Deux jours de répit puis une chute et l’opération qui laisse sa mère affaiblie malgré les transfusions de sang.
Avec précaution je suggère : Peut-être qu’inconsciemment Andrée sait que sa sœur est morte et ne va pas bien depuis …
Nicole me raconte alors :
Le jour anniversaire de la mort de son plus jeune frère, sa mère de plus de 90 ans la réveille dans la nuit. Elle est radieuse. Elle lui demande de l’aider à accoucher de son fils. Elle écartait ses jambes pour que l’enfant naisse. C’est un garçon ! Elle voulait tant avoir un garçon ! Est-il beau ? N’est-ce pas qu’il est beau ! Sa fille le lui confirme. Le lendemain A. a tout oublié.

Le vieux monsieur de la chambre à côté qui appelait samedi sa femme décédée, puis dimanche « Papa » puis lundi « Maman » s’est tû.
Il était seul au moment de mourir.

1 commentaires:

Anonymous Anonyme a dit...

Il était seul au moment de mourir..Pourquoi? N'avait-il aucune famille à proximité? Le personnel était-il si débordé? Non. Mais la mort fait peur, elle éloigne les vivants qui refusent de voir ce qui va leur arriver bientôt. Ou alors est-ce l'impuissance devant ce fait inéluctable que l'on se sent inapte à soutenir?

jeudi, 05 octobre, 2006  

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