Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

31 octobre 2006

RECITS DE VIE

Me voilà réveillée avant le jour. Je n’ai pas encore absorbé le décalage horaire. Et mes premières pensées sont pour Charles dont je sens le livre de mémoire si proche sur ma table du petit déjeuner. « C’est ma biographie et en même temps elle se rapporte à ma famille. »
Je suis très attendrie en en reprenant la lecture. Au début je cherchais un document sur la période traversée en tant que militaire. Je venais juste de voir le film « Indigènes » mais aujourd’hui ce sont les lettres d’époux, d’épouse, d’enfants, de parents qui m’émeuvent. J’ai l’impression d’être à l’intérieur d’une famille, chaque jour, pas seulement pour les fêtes carillonnées et les photos de groupe. Une famille pour qui le mot « amour » n’est pas un vain mot. Amour vécu, dit, répété, écrit, « ma petite chérie - mon bel amour- très chers vous tous -mon petit papa chéri » … Inlassablement, candidement, courageusement dans les épreuves …
Pour moi la bourrasque a dispersé ces lettres ou presque … Mes tentatives d’écriture sous toutes les formes ( chansons, poèmes, récits … ) à partir de la séparation et même avant, quand je me sentais submergée par la complexité de la vie, ont eu pour but je crois de reconstituer ce capital détruit. Mais l’écriture « après coup » ne peut redonner la vérité de ce qui s’est passé réellement. L’instant saisi aussitôt que vécu comme dans le livre de Charles ( il s’agit bien, malgré la modestie du tirage, d’un vrai livre : somme de réflexions et de faits, analyse et expression sur le vif) a force de survivance. « J’aime à relater ces lettres, elles m’apportent beaucoup de bonheur »
Son petit-fils qui, par alliance, se trouve être le papa de mon arrière petite nièce toute neuve Lisa, m’a raconté ce souvenir vivace de son grand-père se retirant un peu de l’agitation familiale pour écrire sa journée. Une tendresse, une admiration le relie à ce grand-père en l’évoquant.
En tant qu’institutrice de formation laïque pure et dure, enracinée « à gauche » j’avais un préjugé défavorable à propos des militaires. Si je comprenais les raisons économiques de l’engagement, je n’avais que des vues très vagues sur la carrière et le travail exact. Je ne m’attendais pas à trouver tant de cœur, tant de simplicité et de noblesse de cœur. Ce n’est pas d’un prototype dont je lis l’histoire, c’est d’un homme complètement homme : jeune homme, père, amant, militaire, dans tous les rôles se voulant responsable. « Je ne veux pas dire que là, j’étais un fils modèle ; J’AI ESSAYÉ DE L’ÊTRE C’EST DIFFERENT » (c’est moi qui souligne)
Samedi Ursula « lançait » à 86 ans son deuxième ou troisième livre sur le marché. Pas triste non plus ! Non pour les évènements de ce 20 ième siècle féroce évoqués mais pour le récit de l’avancée à travers lui, pugnace, digne, intelligente, sensible… Là est la vraie histoire. En tous cas c’est celle que je préfère. Dite, écrite ce qui plus encore, par les sans-grade ( même s’ils progressent en échelons !), les non-écrivains( même s’ils ont des trouvailles de métaphores et d’expression superbes) des laboureurs de possibilités humaines.
Voilà le jour qui se lève. Encore une belle journée ! J’envoie à Charles mes remerciements.

P 123 « Ce jour-là, ce devait être après Noël 1944, une infirmière me fit savoir que l’on me demandait et qui vois-je ? J’étais loin de penser à cette chère visite … Maman et mon frère Pierre que je n’avais plus revus depuis 1941, près de quatre années !!! Mon coeurr battait très fort, maman pleurait en s’avançant, elle dit « mon fils, mon grand fils ou mo filiulo « J’étais comme une loque, mon frère criait plutôt qu’il m’appellait : « Charlot ! Charlot ! » Je ne pus verser une seule larme et cela me fit terriblement mal … J’en ai été malade pendant une semaine … Les pauvres, en plein hiver avec ce froid /…/

30 octobre 2006

SE CHAMPEYER

Champeyer

Ce jour-là je décidais de m’en aller champeyer ! Un bon prétexte à cela. J’avais reçu le questionnaire sur le patois à remplir pour le chercheur grenoblois en quête de sources bas-dauphinoises sûres. Le mot faisait partie du questionnaire et je le relevais avec plaisir car il appartenait à mon histoire familiale.
Mais qu’est-ce donc que champeyer ? Paître, faire paître. Mener les bêtes « en champ » et « champeyeuse » je l’avais été - ô combien ! -matin et soir, mes étés d’enfance et d’adolescence. Plus d’un chemin en avait longtemps conservé trace. Car, à force de passer et repasser par la même « chale », les vaches précédées par les chèvres, ou suivies selon les tentations en vigne, buissons alléchants, arrivent à damer le sol et l’herbe ne repousse pas comme si les services municipaux avaient goudronné le chemin.
Mais le verbe convenait aussi aux reproches de ma mère. Il ne s’agit plus alors de bestiaux qui remplissent leur panse et leur devoir de ruminant. Mais bel et bien de ces hommes, frères, mari, qui ne sont pas rivés à la maison comme les femmes toujours occupées, elles, à travailler, à prévoir, à nourrir, à laver, etc … Ces hommes, ces bons à rien, libres de leurs mouvements, qui se baladent le nez en l’air, à pied ou en vélo, à ne rien faire, strictement rien … On votje don champeyie ? = Où vas-tu donc te baguenauder ?
J’ai pris le petit « charret » qui se balade entre les peupliers et les pommiers, traversé le pont de Pignier, en dos d’âne au-dessus de la rivière, rejoint Triel, la Ginon … constaté avec tristesse qu’il ne reste décidément rien de la maison qu’occupèrent mes arrière-grands-parents, photographié le vieux saule lui aussi devenu inutile, accepté que les « bregnioles » qui champeyaient toutes seules entre des barbelés ( plus besoin maintenant d’aller en champ avec elles !) viennent renifler de près mon odeur et sollicitent la photographie inhabituelle.
Mon vélo tressautait d’aise et quand je l’ai calé contre le portail chez Lucile d’abord, Milo ensuite, j’ai vraiment eu l’impression d’une vacance, d’une liberté incroyables. Celles de mon père et de mes frangins. Je ME champeyais comme eux ! Sans temps à mesurer et sans comptes à rendre !
Ajouter la réjouissance de constater que le mot ne faisait aucun mystère pour mes deux interlocuteurs, qu’ils l’avaient soigneusement gardé en réserve jusqu’à ce que quelqu’un vienne solliciter leur mémoire.
Qu’est-ce que je voudrais prouver ? Que ce beau mot de liberté et de nécessité, l’enquête s’attache à démontrer qu’il a franchi les Alpes dans les années 1265 (conquête du royaume de Naples pour le compte de Charles d’Anjou futur roi de Naples) et dans la giberne de soldats partis, pour quelques-uns, au moins de Chez Nous, d’ikié ! pallo louvè … Oui quelques pauvres diables qui émigrèrent dans deux villages des Pouilles en Italie du Sud ( Faeto et Celle) et qui n’auraient gardé de leur origine que ce patois rustique, rudimentaire. Deux villages peuplés par leurs soins de bâtards dauphinois porteraient donc encore dans leurs gènes ce langage dru, qui fit nos chansons et nos contes. C’est ce que l’enquête cherche à démontrer. Ça ne m’étonnerait pas que le vrai mobile de ces « pays » passant les Alpes pour ne jamais en revenir sans doute soit une forte envie d’aller voir ailleurs si la soupe est meilleure. De se champeyer en quelque sorte !
C’était le 18 octobre que je suis allée me champeyer. Je note soigneusement la date. « Des fois » qu’elle serait l’objet d’une enquête socioculturelle dans 5 ou 6OO ans !

29 octobre 2006

JOUR ROSE


Bien qu’il ne soit pas encore levé, le jour qui s’annonce ne devrait être que rose.
Sophie s’en va avec ses habits roses, ses barrettes roses et son sourire tous roses dehors.
Elle doit quitter Satolas vers 7 heures. Attention au changement horaire ce dimanche ! Ne nous trompons pas de sens des aiguilles des montres n’est-ce pas Mick ! Le téléphone va pourtant sonner à 2h 30 du matin, décalage inversé. Théoriquement donc nous ne devrions pas rater l’avion avec deux heures d’avance sur le programme.
Mais le soleil s’est aussi trompé. Il a délégué à la brume le soin d’éclairer notre route. Et la brume brode, en rose, comme il se doit, autour des lampadaires, des pointes de clocher ...

Pourtant elle se fait douce et transparente pour éclairer en bord d’autoroute une friche fleurie de cosmos. Quelle bonne idée ont eu les agriculteurs de réchauffer de tendres couleurs les terres dites « gelées » Le Dimanche en sera fleuri gratuitement. Et en rose et blanc !
Bref ! Sophie s’en est allée ! a, comme d’hab, séduit les jeunes femmes des guichets d’aéroport … Dans La Loue retrouvée, un petit feu dans l’âtre pour accompagner les cosmos d’un éclat fauve et la salade de patates bleues d’un reflet mauve …
Quelle est donc cette chanson qui murmure ? Qui s’en souvient ?
Blanc blanc blanc et rose (la, la, la, si bémol, sol)
… blanc, blanc, blanc et rose et blanc (sol sol sol si bémol la sol fa)

28 octobre 2006

EN ATTENDANT


En attendant qu'il se réveille
je vais taper sur un clavier.
C'est beaucoup mieux que se frapper .... soi-même !
En attendant que le jour vienne
je vais guetter dedans la nuit
des mots savants, des mots jolis
qui m'aillent au teint, qui se souviennent ...
du temps où j'étais petite naine.
Mais j'ai grandi.

En attendant que je me courbe
vers la terre jusqu'à la toucher
je vais tenter de redresser
en moi le droit ...
d'être debout avant les autres.

En attendant - mais sans attendre-
le commencement de la fin
je me lance sur le chemin
où tu courais, petite fille
heureuse et te prenant la main ...
pour grappiller des raisins clairs
pour accrocher avec des airs
(de ne pas y toucher)
la lune.

La lune boit. Signe d'orage.
La lune comme moi rétrécit
puis se fait pleine.

Des livres à portée de la source.
En attendant qu'en moi ils s'ouvrent
je vais essayer de rejoindre
le plus justement qu'il se peut
mes joies grenues avec mes plaintes.

Présent, présences. Voilà le jour !
En attendant qu'il se réveille
je vais préparer le café.
J'aime son odeur affûtée
qui prend au nez et aux oreilles
du bel amour.

27 octobre 2006

PATATES BLEUES



Je suis allée faire provisions de pommes de terre chez Mme Perdigon. Cette dame de la terre ne se soucie pas des années qui passent sur son échine et continue avec son fils de planter et récolter. Le tas cette année dans la grange est impressionnant. Un certain nombre de sacs de 25 kgs attendent le client ( 50c le KG). S’il en reste après la vente directe, les pommes de terre rejoindront le circuit commercial.
J’aperçois dans une corbeille des tubercules noirâtres. « Des topinambours ? »
- Non ! Des pommes de terre ! je vous les ferai goûter ! Vous me direz si vous les trouver bonnes. On en avait mis une fois et cette année elles ont poussé toutes seules. Faites attention à vos mains, elles seront toutes bleues …
J’accepte bien sûr. J’ai eu essayé de planter un kilo de ces pommes de terres noires dont m’avait parlé un Pierre chimiste et prestidigitateur en couleurs spectaculaires mais ma récolte avait été nulle. Je n’en avais eu ni le goût ni la couleur.
Nous les mangerons en salade à midi. Je les ai cuites sans les peler tant la peau est ridée et boursoufflée comme celle des topinambours. Mais une fois cuites je joue aux couleurs avec l’eau de cuisson. Un vert magnifique. Une goutte de vinaigre et il vire au rouge orangé. Pour compléter le tableau j’ajoute un calice d’eau de cuisson des betteraves rouges.
Cependant Mr Perdigon fils m’a corrigé : des patates BLEUES.
Bon d’accord ! Ne discutons pas des goûts et des couleurs. Il est vrai qu’en les tranchant crues on a un violacé bleuté. Mais la peau est plutôt noire, non ?

26 octobre 2006

GRAND VENT NOCTURNE

Autour de La Loue endormie
le grand vent souffle cette nuit
Comme on a coupé les buissons
il souffle à tort et à raison

Il s’engouffre dans les pertuis
Ce vent-là se croit tout permis
Et par les trous de la serrure
il révise les conjonctures

Voyons ! dit-il à plein gosier
Dans tes rêves m’as-tu écouté ?
As-tu laissé tous mes naseaux
souffler dans le bas de ton dos ?

As-tu aérer ta cervelle ?
Réappareiller tes nacelles ?
Es-tu prête pour demain matin
à te lancer sur le chemin
en quête de quelque aventure
qui trouve vent dans tes mâtures ?
Pourras-tu retenir les nids
de tes oiseaux de paradis ?

Répondre au vent n’est pas facile
en campagne bien plus qu’en ville
On se sent seul à l’écouter
suggérer ou bien radoter
On n’ose trop le contredire
S’il allait se mettre à sourire ?

Un vent souriant dans la nuit
ça veut dire quoi dedans un lit ?

Quand il braille jusqu’à décrocher
les poussières d’amour fanées
doit-on se lever et partir
dans le vent gréer des navires ?

Bref ! A tant poser de questions
le vent m’empêche de dormir
Si toi aussi tu ne dors pas
Prends-moi dans le creux de tes bras

Fais-moi goûter le calme plat

Au matin, couché dans la plaine
le vent rugit comme un lion
Il décoiffe les porcelaines
des plus tenaces illusions.

25 octobre 2006

LE BAL A JO


Bien chanceuse la donzelle de quitter la plaine pour la montagne, sans rien perdre de la qualité du spectacle !
A la Loue, côté Rhône, ce sont les couchants qui chavirent jusqu’à ma fenêtre de cuisine et m’arrachent des voyelles extasiées ( OH ! AH !)
A ST Nizier ce sont les levers de soleil, et en ce moment nous sommes gâtés, on va le payer cher, prétend Mick, et pourquoi donc, payer ? C’est cadeau, profitons-en !
Je n’ai pas trouvé mieux pour souligner le bonheur des couleurs que « le bal à Jo » Pourquoi le bal à Jo ? C’est le nom d’un restaurant du côté de Sète et sûrement d’un tas d’autres lieux, chansons, expressions, etc …
Bal à Jo donc il y a ce matin ! Bal à Jo dans mes projets, dans mes classements, dans mes muscles et peut-être bien aussi dans ma tête !
Allons-y gaiement ! Rumba du balai et de l’aspirateur ( c’est pas la danse que je préfère) Java chaloupée du pinceau sur l’album, valse à mille temps côté blog. C’est qu’ils sont futés les copains ! Et ingénieux ! Tiens j’ai rêvé d’eux cette nuit. Je ne me rappelle pas de tout mais c’était super. Un vrai bonheur. Un détail me revient d’en parler. Nous étions de la fête. Où ? Chez un mec inconnu. Sympa. Et pourquoi donc ? Julie était là avec lui, pour lui et pour nous. Tiens il n’y a pas de fleurs ? de corbeille de mariée ? Et où est-elle notre Julie ? Je ne la vois pas. Oh ! Sûrement sur l’ordinateur. Elle va arriver.
Tiens ! Première fois que les blog et blogmen et blowomen s’introduisent en fête dans mes rêves. La prochaine fois je prendrais des notes … et des photos bien sûr !

24 octobre 2006

LE JOUR DE SOPHIE



Sophie est une petite fille grande. Elle voyage seule, en avion, sans ses frères et sœurs. Tout juste une surveillance du coin de l’œil de l’hôtesse de l’air. Elle aime le rose, dans ses cheveux, sur son tee-shirt. Elle aime servir le café dans la dînette. Elle aime retrouver ses jouets en arrivant, surtout la calculette qui joue « happy birthday ! » de sa grand-mère. Elle aime donc que ce soit notre anniversaire dans ses tasses en plastique rose et que nous jouions le jeu très sérieusement de refuser ou d’accepter un doigt de lait et un sucre supplémentaire.
Sophie est acrobate. La tête en bas et les pieds en l’air n’ont aucuns secrets pour sa colonne vertébrale. Cependant il lui arrive de s’affaler comme une crêpe et de pleurer un peu en examinant son coude et son genou. Heureusement que sa grand-mère bulgare connaît les comptines, formulettes qui guérissent mieux que du mercurochrome !
Sophie n’aime pas trop la courge de La Loue, même quand elle s’appelle potiron, même avec des amandes grillées. Sophie n’aime pas la purée jaune.
Sophie joue du piano.
Le jour de Sophie était superbe de soleil. Ce matin bal à Jo des nuages au dessus de la chaîne de Belledonne. Sophie s’est fait porter à cheval mon bidet par son grand-père mais l’inverse est bien plus difficile.
Le jour de Sophie est un jour rose sur toute la ligne.
Oh my god ! she’s sooooo sweat, soooo cute ! PINK SOPHIE !

23 octobre 2006

ANIMAUX BIZARRES


Retour au paradis de l’adsl

et aussitôt à l’atelier d’écriture en ligne dont on connaît les consignes : 1500 caractères dès réception du mot ou de l’expression inducteurs. Cette semaine « animaux bizarres »

"Bizarre, vous avez dit bizarre !
Ce qui me vient à l'esprit en montant à bord du train proposé, du mot inducteur, de l'occasion de prendre le large, c'est, bien sur ! la tentation d'échapper à la règle. Quels animaux bizarres avec moi dans le wagon ? Moi, cette bête étrange dont je ne connais encore ni le nombre de pattes exact, ni la taille des bras parfois surdimentionnés, parfois réduits à des moignons. Que dire du coeur, de la cervelle, du sexe et de l'âme ? Je, moi, enfin quelqu'un qui porte mon nom, et même plusieurs autres noms voisins, de la même famille mais pas tout à fait, je peux bien nous qualifier d'animaux bizarres, au pluriel et au singulier. Tourner autour du pot, autour de la cage, Tenter d'observer à travers les barreaux. Un jeu ? Une attraction ? Non, les animaux bizarres, je ne peux vous chasser de mon esprit, ni vous assigner à résidence. Dès le matin d'aujourd'hui vous êtes avec moi dans le voyage. My sisters, my brothers. J'ai mal de vos rhumatismes, de vos inconséquences guerrières, de votre détresse de nantis à qui manque un programme supplémentaire à la télé pour être heureux, un somnifère nouveau pour vous endormir, gâvés et non sevrés, à la fin des programmes. Pourquoi ai-je plutôt tendance à faire reproche de bizarrerie, à ceux qui ont atteint les mêmes rivages d'âge que moi ? Un peu plus ressemblants, un peu plus bizarres que les enfants et les jeunes dont je regarde encore avec attendrissement la merveilleuse beauté, simplicité, nudité d'Eden."

NB Je viens d’être arrière grand-tante ! Vous vous rendez compte ARRIERE. Quatre générations ! En l’honneur de la merveille qu’est cette arrivée je ne peux vous montrer qu’une splendeur animale ordinaire à piocher dans mon animalerie photographique.

22 octobre 2006

MILO


En quittant Lucile je suis allée chez Milo. Il est moins bon patoisant qu’elle sans doute mais quel collectionneur ! Dans sa grange, parfaitement rangés, vernis, affichés, les outils, les objets. Mon rêve réalisé. Tout ce qui chez moi est recouvert de rouille et de toiles d’araignée, de crottes de rats se trouve ici magnifié, caressé, surveillé journellement.
Quand j’arrive il est en train de se coudre un bouton, à même le vêtement. Un vieux garçon mais qui « se tient bien ». Il m’entraîne dans son atelier. Il plante un clou dans la porte de la grange pour que je puisse photographier les outils que je lui désigne un à un. La porte de la grange est un parfait tableau d’affichage. Vernie elle aussi. Impeccable ! Il se prête avec une gentillesse inusable à mes caprices. Je lui demande maintenant d’illustrer le geste de l’outil pour la photo. Et le voici qui plante au sol « l’enclume » ( le support pour « amouler » : aiguiser la faux), ajuste la faux démanchée, frappe avec le marteau. Se relève avec peine, recommence. Me montre le « banc d’âne » qu’il a reconstitué pour tailler les barreaux d’échelle, s’y installe avec l’outil et les copeaux …
Milo s’est découvert il y a une vingtaine d’années une passion pour la miniaturisation des objets. Ses plus belles pièces sont réclamées dans toute la région pour illustrer des expositions. « On me demande d’aller à Bourg. Je peux pas. Je vais pas conduire jusque là-bas. Je leur ai prêté le pont d’Evieu ! »
Son regret ! Avoir fait brûlé ( « eh oui ! A l’époque on n’aurait pas trouvé à y donner ») la batteuse de son père qui encombrait la grange.
Son émotion ! L’avoir retrouvée en photo à la Maison de Pays, prise par VERO, photographe professionnel.
Je me suis précipitée à l’exposition de photos qu’il m’indique. Quelle merveille ! Mais ceci est une autre histoire, un autre personnage.

21 octobre 2006

LUCILE


Je vais la voir pour m’assurer de quelques mots patois. Une enquête en cours par un spécialiste grenoblois. Je la trouve dans la grange de la maison familiale qui n’a guère changée, en train de préparer le barboton pour les poules. Elle s’essuie les mains pour serrer les miennes. Et puis la bise bien sûr. « Continue ! Je ne suis pas pressée ! Et comment tu l’appelles en patois ce que tu es en train de faire ?»
- Oh ? na brasso pe le polaille ! ( une brassée pour les poules)
- Maman disait « le kapotien ! »
- Ah non ! Le kapotien c’était le ragoût de patates, « on kapotien de treuffes »
- Ah ben oui. Je comprends. Elle mettait des pommes de terres avec le son et elle l’appellait « le kapotien pour les poules ! »

La mémoire de Lucile est imbattable sur le questionnaire. Sauf pour LES NUAGES. Rien ! Tout comme les autres personnes interrogées. A croire que les nuages, on n’a pas le temps de les regarder dans ce Bas-Dauphiné laborieux d’antan. Il n’y a pas de mots pour les dire. On ne lève guère les yeux de son ouvrage. La terre est basse et les cieux trop hauts !

Arrivent les arrière-petites nièces. Deux jumelles distributrices de bisous. Lucile s’illumine. Gageons qu’il y aura pour elles, sorti du placard « du bon » ( bonbon), des biscuits, peut-être deux œufs frais du jour, aussi ressemblants que des jumelles. Et pas n’importe quels œufs ! Des œufs de poules « badières » ( qui se promènent librement dans les champs) nourries au grain et au « kapotien ». ça tient au ventre le kapotien ! de bouna treuffes avo de bon lard ! »
Quel âge a Lucile ? Aucune importance. Elle se tient droite. Elle brasse. Elle distribue. Et elle ne déteste pas rigoler un bon coup.

19 octobre 2006

PEUPLIERS D'AUTOMNE


Peupliers d’automne
Chatouillent le ciel
Comme un doigt sous le menton
Déclenchent un sourire
Une écharpe bleue
Un petit soleil

Chauves et chauvins
Peupliers se gargarisent
Plus un tif sur le caillou
Mais de la prestance !
« Ce pays d’automne
est élégant grâce à nous ! »
« Un seul corbeau sur ma branche
vaut un si bémol ! »

18 octobre 2006

L'ETRILLE


Il y a dans ma collection des vieilles choses un outil qui pourrait s’appeler peigne à étriller.
Je n’en ai qu’un vague souvenir. Il servait à nettoyer le pelage du cheval. Un long geste de l’échine à la croupe, puis les flancs. Sans doute pour démêler les poils, enlever les traces de litière, les déchets végétaux des buissons qui s’y seraient accrochés. Le cheval tenu en bride de l’autre main, se laissait faire ; preuve que l’étrille n’était pas trop vive et qu’il augurait du beau résultat. Aujourd’hui l’outil est tout rouillé mais il n’a rien perdu des dentures (8 rangées). Il se tient bien en main par une poignée du même métal.
On comprend très bien à l’observer le sens du mot ETRILLER, se faire étriller. Se faire malmener, se faire « ramoner », secouer, rudoyer, frotter : dans les deux catégories des mots de patois et de ceux du dictionnaire, les synonymes ne manquent pas.
« de voua, de voua t’astico lo couar » disait le Cabi à sa mère, non pas à son cheval. Il n’en possédait pas d’ailleurs. Il n’en avait ni les moyens financiers, ni les moyens intellectuels. Mais il avait des rages subites et se voyait en dompteur et en asticoteur de destin.
… Je vais … je vais t’astiquer le cuir. (il bégayait)
A rapprocher de cet outil trouvé dans la maison, un anneau scellé à l’extérieur du mur de la grange, où on attachait le cheval pour le faire patienter pendant qu’on buvait un canon.
C’était le temps des chevaux. Ils avaient nom dans mon entourage de Fends-l’air, Gamin, Coquette, Briquet, Bijou … le seul souvenir que j’ai, indélébile, de leur robe bien étrillée est celui de la Coquette, la jument que Papa avait réussie à acheter. Pendant longtemps il utilisa le cheval d’un voisin, à charge pour lui de « rendre » le service en aidant aux travaux du « collègue ».
Notre Coquette, puisqu’elle était à nous, était exceptionnelle. Belle, gentille, courageuse. On aurait pu lui attribuer notre nom de famille.
Elle venait quémander sa récompense, son sucre, un sabot sur le pas de la porte et la gueule ouverte largement. Dans ses yeux une lueur de contentement qui en disait long sur ses qualités de cœur.
J’avais peur d’elle quand, rarement, Papa me demandait de lui tenir la bride (le licou) et de la conduire dans les sillons pendant qu’il dirigeait la charrue. J’ai embelli un maximum l’image agreste en gommant cette frousse de me faire marcher sur les pieds par les énormes sabots marteau pilon. Mais la Coquette savait déjà que, bien longtemps après, je l’étrillerai fermement et amoureusement sur le papier et qu’elle en deviendrait immortelle. Alors elle me léchait d’un coup de langue et je grandissais d’un seul coup d’un mètre, juste à la taille de mon Papa le grand.
Mon Papa s’appelait Alphonse. Je croyais que ce prénom n’était porté que par lui mais il paraît qu’il est revenu à la mode.
Bienvenue les Alphonse ! Tâchez de bien conduire à hue et à dia. C’est pas facile ! Il y faut de la force et de la souplesse ! Suffit de trouver un bon cheval et, peut-être, une bonne étrille. J’en ai une à proposer.
Un jour prochain, en photo.
PS : J’ai montré l’objet à deux vieux patoisants du village aujourd’hui, comme si je ne le connaissais pas. Leur réaction a été immédiate « na treille » : une étrille. Je ne m’étais pas trompée.

17 octobre 2006

VINS D'AUTOMNE

D’une petite trace sur le papier
partir à l’aventure
D’un mot soudain tombé dans l’escarcelle du désir
faire tout un plat
tout un délire

et comme un doux Bon Dieu
qui se regarde dans la glace
boire
sans essuyer ses moustaches

16 octobre 2006

FRUITS D'AUTOMNE

Abondance des noix à en avoir les reins brisés. Sous le noyer d’à côté que je ramasse par complaisance. J’en aurai la dîme comme récompense …
Abondance des pommes, dans les vergers d’ici qui font de ce pays un lieu de visite pour s’approvisionner. La fête annuelle était dimanche dernier. On ne sait plus compter les chalands tant ils sont nombreux, 3000, peut-être plus. De longues ribambelles de voitures d’un côté et d’autre de la route sur six KMs et dans les parkings prévus dans les champs. Chaque année augmente le succès. Mais je préfère trouver dans l’herbe quelques vieilles variétés mangées par les vers, un peu ratatinées mais moins nourries de pesticides que celles vendues en bordure de route et dans les stands de la fête
Fruits exotiques non comestibles. Pour la première fois j’ai repéré ceux des daturas. Magnifiques. J’ai cependant évité de les laisser jeter leurs graines innombrables dans mon jardin. Je les lancés dans le marais où ils auront la place de se répandre s’ils veulent. C’est beau les daturas blancs ! « Poison » paraît-il.
Fruits violacés puis noirs des ricins. Eux aussi à mauvaise réputation.
Fruits de l’automne. Cueillir. Ramasser. Découvrir.
Abondance d’où m’est venu aujourd’hui le courage de classer, ranger chansons, objets, photos …
Ne pas oublier de signaler les courges. En particulier celles-ci italiennes que mon voisin m’a données. Un régal. Recette : truites grillées aux amandes accompagnées de purée de potiron à la crème. Sauf que mon estomac n’a pas apprécié le surplus !
Ne pas oublier les recettes de bonne conduite :
En octobre reste sobre.
Fruits d’octobre dans le grenier, hiver rassasié.

15 octobre 2006

FEUILLES D'AUTOMNE


Comme les feuilles j’aimerais finir en beauté
A force d’application côtoyer les couleurs
des fleurs
Cacher le lièvre au fusil du chasseur
Me déployer …
Quand le soleil veut bien briller me comparer à lui, rivaliser…

Comme les feuilles j’aimerais finir en douceur
En vol plané
Qu’un grand vent me submerge
Ou qu’un aquilon frêle, une petite brise, un baiser maternel
m’attise … me caresse …

N’est-ce pas qu’elles sont belles
et douces
et bonnes à dire
les feuilles de l’automne
quand un pinceau les prend pour cible
et pour idole ?

14 octobre 2006

COMPEZ VOS DOIGTS

Retrouvé ce texte de Maurice Fickelson dans mes polycop. d’ancienne formatrice. Trop délicieux pour que je le jette à la poubelle en cette période d’élection aux conseils de parents.
COMPTEZ VOS DOIGTS
« Dans cette petite ville de l’ouest, la protection de l’enfance est assurée aussi bien qu’ailleurs. Les assistantes sociales montrent beaucoup d’entrain ; on les croise dans l’escalier. Les parents sont habitués ; ils remplissent des questionnaires ; des psychologues leur expliquent leurs sentiments. La ville est salubre ; le vent de mer chasse les miasmes, et les cafés ferment de bonne heure. Les enfants n’ignorent pas qu’ils sont de fragiles merveilles ; ils voient bien le soin que prend d’eux la Municipalité. Alors comment ne s’étonneraient-ils pas ? Un matin au réveil, il leur manque des doigts. Ni sang, ni plaies, aucune souffrance, des moignons irréprochables. Les plus petits pleurent. Les grands disent : « bah ! alors … » les parents ont beau recompter les doigts de leurs enfants, ils doivent bien admettre que le compte n’y est pas. Il manque des doigts ; au moins un à une main, le plus souvent aux deux, et quelquefois plusieurs. En aucun cas on arrive à dix. Les parents sont perplexes ; puis, soupçonneux, ils interrogent : »ça veut dire quoi ? » Ils aimeraient bien punir. Pour l’exemple … Mais devant les mines effarées de leurs bambins, ce sont eux qui se sentent à présent coupables. De quelle négligence ? A tout hasard, ils forment une association pour la défense de leurs intérêts, et aussitôt se transportent sur le terrain neutre de la statistique. « Nous avons perdu tant de doigts », déclarent-ils, et ils font la moyenne. C’est une façon de partager les responsabilités. Mais l’assistante sociale ne l’entend pas ainsi. Elle les admoneste : « Vous n’avez pas accompli tous vos devoirs de parents « Mais lesquels ? » demandent-ils, navrés. On leur fait alors remplir de nouveaux questionnaires, beaucoup plus difficiles que les précédents. Les psychologues les convoquent, les abîmes de l’âme s’ouvrent. Les parents sont fascinés. Ils se penchent. Ils entendent des choses au fond. Comme des grenouilles. Un coassement de grenouilles … Puis ils discernent des roseaux, des lueurs, à travers la brume, sur les marécages.

Les doigts sont là. Les doigts de leurs enfants. Les grenouilles les ont posés devant elles, sur les feuilles de nénuphar, où elles se tiennent. Elles chantent leur triomphe mélancolique. Car que vont-elles faire de tous ces doigts qu’elles ont emportés par des nuits sans lune (et aussi avec lune, parce que ça n’a pas tellement d’importance), de tous ces doigts attrapés en rêve, dans la nuit implacable où les enfants vont en aveugle, leurs mains imprudemment tendues devant eux ?
Est-ce bien à elles, d’ailleurs, d’accomplir les désirs les plus obscurs des parents ? »
Soulignés en vue d’explication les mots suivants : ENTRAIN, SALUBRE, MIASMES ? MOIGNONS IRREPROCHABLES, PERPLEXES ? SOUPçONNEUX, EFFARES, ADMONESTE, NAVRES, FASCINES, IMPALPABLES.

13 octobre 2006

MON POIDS D'HIRONDELLE


« Etre sensible à son poids d’hirondelle »

Cette phrase de Bruno Ruiz dans une de ses chansons m’a touchée comme un soleil couchant derrière les peupliers. Un franc soleil.
Hirondelle je le suis. Je l’ai toujours été.
Certes comme tous les oiseaux, toutes les plantes, j’ai mes jours de deuil. Je désespère et ma respiration se fait alors courte et lente.
Mais quand vient la chanson, je peux, je sais la prendre. C’est ma part d’hirondelle.
Cette année, grâce à l’orgue de Barbarie et au carton, je peux prendre aisément le costume d’hiver. « On l’appelle l’hirondelle du faubourg » et l’hirondelle c’est moi bien sûr dans la version ancienne premièrement, puis dans celle, réajustée, pour, avec le gabian, battre des ailes aujourd’hui et à notre mesure. Ensemble. Ça marche ! On nous en redemande. Les plus âgés pour verser une larme d’attendrissement sur cette pauvre fille mourant sur son lit d’hôpital et les autres, qui ne la connaissaient pas, pour sourire au clin d’œil que nous leur lançons par-dessus l’orgue …
« car mon papa qui n’m’abandonna pas
aimait souvent au repas des vendanges … »

Ce poids de légèreté, ce petit pois de rire, comme je suis contente de le porter allègrement sur mes épaules quand il me vient. Ainsi, à Toulouse, allongée sur mon lit d’hôtel pour une petite sieste réparatrice avant de retourner au séminaire de L’APA « Ecrire le moi, aujourd’hui comment ? » je suis frôlée par un lointain écho qui cherche à se dire. Je me lève, m’étire, ouvre les rideaux. Et d’un seul coup d’un seul, dans une joie tranquille, déboule la chanson dont j’ai transcrit le texte il y a quelques jours. Le soir, à la veillée, après le spectacle préparé par le groupe toulousain, je la propulse vers un public, vers mes copains d’écriture et de Moi. Sans trop de trac, dans l’urgence d’accrocher ces minutes d’échange à mon paletot d’hirondelle. J’ose ma danse, mon vol, ma fringale … ce chant venu et traversé.
Le lendemain, juste avant de partir, de quitter, au thé final vers 5 heures, une femme en souriant me parle de la « grâce » qu’elle a ressentie en m’écoutant. Peu après, au détour d’un couloir, un jeune homme m’embrasse.
C’est tout. C’est l’automne bien sûr, dans les arbres et dans les neurones. A Toulouse, à La Loue. Chez moi et chez les autres. Mais je m’en fous !
« je m’appelle l’hirondelle de La Loue
Ta ta ta ta ta ta … D’amour
*A prévoir une version audio bientôt. Déjà les accords sont trouvés et la mélodie est fixée. Hasta luego amigos !

12 octobre 2006

SETE 4 CHICHE !

Chiche que tu me dis à quoi tu rêves !
La pluie s’est résignée à tomber calmement
Toutes les pendules cliquètent, résignées elles aussi à laisser faire le temps
Chiche que tu me téléphones très fort dans ta tête !
J’ai entendu la sonnerie. J’ai sorti mon cahier. A tâtons j’ai enfilé mes chaussettes : une blanche, une violette ...
Chiche que tous ces mots rachitiques, rabougris, qui tournaient hier dans le ciel comme des bêtes
tu les as pris. Enfin tu les as pris !
Comme des gouttes d’eau ils pleuvent, se déversent jusqu’à ma nuit
A les entendre, enfin, à les lire, je sens un calme souverain derrière mes lunettes
Attendrie
O le bruit de la pluie !
O le bruit des horloges !
O le bruit de mon corps apaisé comme les gouttes d’eau !
Nous venons d’accoster sur la plage des heures
Et je n’attends plus rien derrière mes carreaux

Chiche que tu rigoles en dormant dans ton rêve
de m’avoir retrouvée enfin

Et d’avoir pu, enfin !, chercher à me séduire
avec ces mots de rien, de sel et de salive
dont tu te méfiais tant !

11 octobre 2006

SETE 3 GABIANS




Comme un vol de gabians
échappés de leur cage
dans un ciel trop étroit
pour les contenir tous

Comme un vol de gabians
échappés d’un fou-rire
qui ne veut pas cesser
ni faiblir sur la p(l)age

Comme un vol de gabians
qui, à force d’émettre
un cri plaintif d’enfant
un raclement d’aïeul

Se pose sur la vague
silencieuse et bercée
Et soudain se tient presque
à la limite du secret

Je veux me disperser
au moindre coup de vent
sans soucis, sans regrets
sans espoir et sans crainte

Hirondelle goélande
Gabianne énamourée
Innocente perverse …
Et puis recommencer.

SETE 2 C'EST TOI ?


C’est toi là-bas planté
Mon amour à deux pattes
Comme goéland cendré
Sur le ciel clair ?

C’est toi là-bas
Mon amour à deux ailes
Qui accroche ta casquette
Au piton d’une grue ?

C’est toi là-bas
Mon amour à deux rames
Amarrant ton bateau
Comme tu l’as rêvé
Quand tu avais dix ans ,

Mais oui c’est toi bien sûr !
Sétois et c’est moi qui regarde
Il n’y a que nous deux
Aujourd’hui au brise-lames

SETE 1 BRISE-LAMES


Du brise-lames je vois
les grandes grues montées sur pattes
Elles tendent leurs bras vers le ciel
pour y accrocher des nacelles
d’où s’envoleront les nuages …
Et sur l’eau les gabians
forment une peau tachetée
qui se disloque au retour des bateaux.
Les gabians couinent
ou bien cacardent
en ribambelle sur le brise-lames.
Posés sur l’eau ils font silence
Bizarre !
Le béton sous la queue excite leurs cordes vocales
Mais quand ils ont l’eau sous leur cul
motus et bouche cousue !
Les maisons des gardiens de phare
laissent béer leurs portes
Les phares sont automatisés
Est-ce pour cela que les gabians
montent la garde ?

10 octobre 2006

TOULOUSE 3 DANS LE TRAIN


De Toulouse à Sète, via Narbonne

Déjà un duvet vert adolescent court sur les terres labourées fraîchement ensemencées.

Quelques cyprès, quelques clochers, bougies, s’allument encore du couchant. La nuit tombe.

« Putain ! » mon malheureux voisin parle à son portable défaillant, n’obtient plus de réponse. Heureusement il y a un lecteur DVD dans son sac.

En parallèle à la voie ferrée, des voitures glissent comme celles, miniature qu’Elouan fait naviguer sur le tapis aux voitures Toy.

Dans le train du Dimanche soir, ça bosse, ça potasse. Belle jeunesse studieuse et responsable. Gynécologie, philo … abondance des classeurs, application des pages manuscrites.

Passe, hélas, le contrôleur … la future toubib a laissé sa carte à sa mère pour qu’elle lui achète le billet de la semaine prochaine. Intraitable le contrôleur bedonnant ! Putain ! On voit bien qu’elle est sincère cette petite !

Saine et sportive ! Dorée ! Plante magnifique. A laissé son vélo avec les bagages. Aux arrêts brusques il dégringole.

Bleu sombre de la mer sur la nuit. Non je ne me suis pas trompée de destination.

TOULOUSE 2 MON P'TIT MOI


Mon p’tit Moi s’en allait d’vant moi
S’en allait comme une gamine
S’en allait à tu-et-à toi
Dans les chemins et les courtines
Mon p’tit Moi, mon p’tit Moi, mon p’tit Moi

Quand j’ai voulu le mettre en laisse
Mon petit Moi des convenances
Il est entré dedans la danse
Il a voulu me mettre en pièces
Mon p’tit Moi …

J’lui ai tiré ma révérence
J’ai foutu l’camp dans les haubans
Et j’ai caché les références
De mon Papa, de ma Maman
D’mon p’tit Moi …

Rien à faire ! Il m’collait aux fesses
Il m’suivait comme un chien courant
Et resurgissait à confesse
Dès qu’m’sieur l’curé semblait content
D’Mon p’tit moi …

Alors j’ai pris les grands moyens
Je l’ai exposé sur la Place
J’l’ai explosé dans des chansons
Je l’ai traité de tous les noms
Mon p’tit Moi …

Mais depuis que j’suis à L’APA
Y a plus d’problèmes, y a plus d’dilemme
Dès qu’il arrive je le tiens coit
J’écoute tous les prolégomènes
Des p’tits Moi …

Qui caquètent et qui font du bruit
Qui m’éblouissent et me subjuguent
Y a tant de Moi dans d’autres Lui
Tant d’autres Elle dans la lune

Dans le soleil tant de rayons
Que mon p’tit Moi tombe en poussière
C’est fou ! Quand j’vais rentrer sous terre
J’donnerai naissance à des lardons

De p’tit Moi, de p’tit Moi, de p’tit Moi …

TOULOUSE 1 LES MAINS




Jouer avec ta main
Jouer avec les franges
du châle de ton corps
posé sur tes genoux

Jouer avec tes doigts
et avec tes phalanges
où chaque mot nouveau
se frotte sur ma joue

Jouer avec ces lignes
qui font ta main si grande
Les mordre, les briser
Refaire leur carrefour

Et tout en tapotant
les touches du piano
où ta main se déhanche
abandonner ta danse

Bien sûr j’ai rêvé
avec toi que survive
quand tout est consommé
l’aurore du premier jour

A l’infinie tendresse
où m’attend l’autre rive
O ma mère, ô ma fille
O toutes mes amours

Mais j’ai touché vos mains
de toute ma patience

Je ne regrette rien

Et vos mains m’ont sculptée

TARBES 5 JE REVIENDRAI


Puisque je ne peux pas emporter tous tes livres
Ni les quarante écus du ginko biloba
qui devant ta fenêtre distribue ses formats
de feuilles-éventail et de ramures-lyre

Puisque je n’ai pu voir des Pyrénées lointaines
que les moignons de pied empaquetés de brûme
qu’une tête absente cette nuit sous la lune
et qu’un frémissement de cheveux pris en chaîne

Puisque l’encre violette encore dans l’encrier
n’a pas de ses volutes tiré tous ses secrets
que le roseau-calame sur le bord de l’Adour
n’a pas encore donné tous ses secrets d’amour

Enfin, puisque je n’ai mangé, au cinéma
Tous les films-à voir-absolument, ma foi !
Je ne vois qu’un remède pour faire taire les regrets
C’est, solennellement, te dire « Je reviendrai ! »

Je reviendrai cueillir les roses au printemps
les cèpes en automne
Cueillir les promenades et les chansons d’antan
En planter de nouvelles
sur tes terrasses rose-et-bleu
dans tes oreilles
bienveillantes d’amie
à moi pareille
si souvent
et si souvent fidèle
en automne
à l’espérance des lettres du printemps.

TARBES 3 INDIGENES

Tarbes, le 4 octobre
Mon cher Charles,

Je suis allée hier au cinéma , entraînée par une amie, voir « Indigènes » ce récit sur la période de la deuxième guerre mondiale des troupes recrutées en Algérie et engagées dans les combats en Italie puis en France. Je ne vais pas vous le raconter. Vous savez de quoi il s’agit puisque vous étiez sur le terrain.J’en ai été bouleversée dès les premières images des garçons qui s’enfournent dans les camions de l’armée. J’aimerais bien savoir ce que vous en pensez. Je ne sais pas s’il sera encore à l’affiche quand vous aurez regagné Toulon.
J’ai quitté ma campagne pour un petit périple dans le sud. J’ai hésité à emporter votre biographie dans la valise pour finalement la laisser à La Loue. Mon frère venait juste de me la remettre. Je l’ai seulement feuilletée et lu quelques passages. Bravo pour la somme de travail que représente un document aussi accompli ! Merci pour la constance dont il témoigne du souci de garder mémoire tout au long de votre vie. Moi qui suis si conservatrice il m’arrive encore de regretter d’avoir laissé s’égarer des lettres, des photos.
Il faut que je vous dise que ce livre a sa place à L’APA, association pour l’autobiographie. Comme document sur une époque. Comme témoignage sincère et complet du sens d’une vie. Pas seulement pour votre famille. Je suis venue à Toulouse pour rencontrer d’autres membres de cette association à laquelle je participe depuis plus de dix ans. Déposez-le à Ambérieu (siège national de l’association). Il sera répertorié, lu, vous aurez un retour de cette lecture puis protégé, lisible par qui voudra, du simple lecteur membre de l’association à l’étudiant, au chercheur.
Dès que je rentrerai je vais m’y replonger. Je vous écrirai au fur et à mesure de ma lecture et de mes réactions.

TARBES 2 BREVET


Nous étions installées devant les assiettes choisies au buffet du traîteur-restaurateur. Deux amies caquetant, contentes de se raconter. De ci de là, de l’année 2000 date de notre rencontre à 2006. Mais pas cahin-caha. Avec vivacité, joie, enthousiasme, rires, énergie, hauteur de voix … jusqu’à ce que je m’aperçoive de la proximité d’une jeune femme travaillant ses dossiers tout en dînant, dans le coin de la fenêtre. Je lui demandai d’excuser le volume sonore et gestuel de notre chaîne privée. Elle releva la tête en souriant et nous … remercia, d’être, dit-elle, « si vivantes. »
Tout en mettant une sourdine nous continâmes donc notre tournée générale d’anciennes combattantes d’hier et ferventes militantes d’aujourd’hui
C’était à Tarbes, un peu après Midi. Et le vin était bon. La formule de choix excellente.

03 octobre 2006

TARBES 1 QUAND LE TEMPS


« Le bonheur, c’est quand le temps s’arrête »

Le temps s’est arrêté
La maison dans les livres
Accueille mes cahiers
Ce matin dans le vent
Elle s’étire, se respire
Comme un parfum d’antan
D’enfance protégée …
Dois-je dire « ce matin » ?
Le temps s’est arrêté …
Aux coussins du fauteuil
Où le temps se prélasse
Je cale mon escale
Je pose mes deux pieds
Et je bois dans la tasse
Que Verveine a remplie
De sourire et de thé.

01 octobre 2006

CADEAU D'une grand-mère