Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

31 octobre 2006

RECITS DE VIE

Me voilà réveillée avant le jour. Je n’ai pas encore absorbé le décalage horaire. Et mes premières pensées sont pour Charles dont je sens le livre de mémoire si proche sur ma table du petit déjeuner. « C’est ma biographie et en même temps elle se rapporte à ma famille. »
Je suis très attendrie en en reprenant la lecture. Au début je cherchais un document sur la période traversée en tant que militaire. Je venais juste de voir le film « Indigènes » mais aujourd’hui ce sont les lettres d’époux, d’épouse, d’enfants, de parents qui m’émeuvent. J’ai l’impression d’être à l’intérieur d’une famille, chaque jour, pas seulement pour les fêtes carillonnées et les photos de groupe. Une famille pour qui le mot « amour » n’est pas un vain mot. Amour vécu, dit, répété, écrit, « ma petite chérie - mon bel amour- très chers vous tous -mon petit papa chéri » … Inlassablement, candidement, courageusement dans les épreuves …
Pour moi la bourrasque a dispersé ces lettres ou presque … Mes tentatives d’écriture sous toutes les formes ( chansons, poèmes, récits … ) à partir de la séparation et même avant, quand je me sentais submergée par la complexité de la vie, ont eu pour but je crois de reconstituer ce capital détruit. Mais l’écriture « après coup » ne peut redonner la vérité de ce qui s’est passé réellement. L’instant saisi aussitôt que vécu comme dans le livre de Charles ( il s’agit bien, malgré la modestie du tirage, d’un vrai livre : somme de réflexions et de faits, analyse et expression sur le vif) a force de survivance. « J’aime à relater ces lettres, elles m’apportent beaucoup de bonheur »
Son petit-fils qui, par alliance, se trouve être le papa de mon arrière petite nièce toute neuve Lisa, m’a raconté ce souvenir vivace de son grand-père se retirant un peu de l’agitation familiale pour écrire sa journée. Une tendresse, une admiration le relie à ce grand-père en l’évoquant.
En tant qu’institutrice de formation laïque pure et dure, enracinée « à gauche » j’avais un préjugé défavorable à propos des militaires. Si je comprenais les raisons économiques de l’engagement, je n’avais que des vues très vagues sur la carrière et le travail exact. Je ne m’attendais pas à trouver tant de cœur, tant de simplicité et de noblesse de cœur. Ce n’est pas d’un prototype dont je lis l’histoire, c’est d’un homme complètement homme : jeune homme, père, amant, militaire, dans tous les rôles se voulant responsable. « Je ne veux pas dire que là, j’étais un fils modèle ; J’AI ESSAYÉ DE L’ÊTRE C’EST DIFFERENT » (c’est moi qui souligne)
Samedi Ursula « lançait » à 86 ans son deuxième ou troisième livre sur le marché. Pas triste non plus ! Non pour les évènements de ce 20 ième siècle féroce évoqués mais pour le récit de l’avancée à travers lui, pugnace, digne, intelligente, sensible… Là est la vraie histoire. En tous cas c’est celle que je préfère. Dite, écrite ce qui plus encore, par les sans-grade ( même s’ils progressent en échelons !), les non-écrivains( même s’ils ont des trouvailles de métaphores et d’expression superbes) des laboureurs de possibilités humaines.
Voilà le jour qui se lève. Encore une belle journée ! J’envoie à Charles mes remerciements.

P 123 « Ce jour-là, ce devait être après Noël 1944, une infirmière me fit savoir que l’on me demandait et qui vois-je ? J’étais loin de penser à cette chère visite … Maman et mon frère Pierre que je n’avais plus revus depuis 1941, près de quatre années !!! Mon coeurr battait très fort, maman pleurait en s’avançant, elle dit « mon fils, mon grand fils ou mo filiulo « J’étais comme une loque, mon frère criait plutôt qu’il m’appellait : « Charlot ! Charlot ! » Je ne pus verser une seule larme et cela me fit terriblement mal … J’en ai été malade pendant une semaine … Les pauvres, en plein hiver avec ce froid /…/

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