Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

02 mars 2007

LE DESSOUS DES PAUPIERES



Il pleut et je chante. Je marche vite dans les ruelles mixtes du quartier Notre-Dame : immigrés et clients des boutiques « in » ; une chouette gentille petite pluie. Le capuchon de mon anorak commence à goutter. Dans deux pas je double le coin de la rue. « Bonjour ! » Quatre pas en avant pour ignorer le bonjour qui pourrait être racoleur. Je me retourne. Philippe s’est arrêté. Il m’attend. On s’embrasse. Une fois, deux fois, trois fois. Je lui dis : « J’ai lu. Je suis bien contente. » Et son regard me balaie toute. Quel chemin n’a-t-il pas marché ce petit veinard, parti à temps dans la colère et le refus, et aujourd’hui, visage doux, yeux de lumière et ce « parti-pris d’aimer ».
Ils sont grands, ils sont beaux et ils n’ont pas vingt ans …
Philippe c’est à toi que je pensais quand je soufflais dans mon mirliton clandestin cette année-là, à toi et à Hervé, Christian, G Lacomte, Patissier … ceux et celles de la promo de 3ième… oui je suis bien contente !
Le petit fleuriste a dû s’en douter puisqu’il m’a donné une rose. De la limpidité de ton regard, ce jour-là, de la petite pluie, j’ai tiré une de ces vérités premières que j’aimerais poser en canne à mes côtés pour m’aider les jours de grand vent : On ne donne une rose qu’à la joie.
Devant l’immeuble le lampadaire est une boule de verre. La bougie blanche de la lampe en distrait 1/5. Il pleut ; quelques petites gouttes pressées dans les flaques au pied du lampadaire. Il s’y découpe. Dans la partie supérieure, ce gris-vert pourrait être le reflet de pelouse mais la surface concave du verre fabrique la ligne d’un buisson plus ombre. Le ciel bien sûr en bonne logique. La boule s’ourle par le dessus d’un trait blanc crémeux. La bougie aussi a sa cire partagée en deux zones inégales. Le lampadaire est éteint. Le ciel du lampadaire est gris-vert. Le vrai ciel est gris-bleu-blanc. La ligne blanche rompt la sphère parfaite en deux fesses. Un potiron. Il reste le bas, plus vaporeux, plus dense, plus blanc. Ce pourrait être l’eau.
Je vois le lampadaire. Ce lampadaire-là je le vois.
La pluie n’est qu’une anecdote. Le lampadaire est un lampadaire. La description d’un lampadaire n’est pas un lampadaire mais je vois, en le décrivant, le lampadaire.

1 commentaires:

Blogger Julie Kertesz - me - moi - jk a dit...

on te suis, on est avec toi, que tu sais écrire!

et qui c'est ce philippe rencontré? tu nous laisses (un peu) sur la faim

samedi, 03 mars, 2007  

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