Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

30 juin 2007

MOTS ET COULEURS


MOTS ET COULEURS

Mots et couleurs s’en vont ailleurs
Ils n’ont jamais cherché des noises
Seulement passé sous la toise
des petites joies et des peurs
Mots et couleurs

Quand ils reviendront dans la cage
dans un mois ou peut-être deux
S’ils repassent encore sous vos yeux
ils seront heureux du voyage
Mots et couleurs

Confettis dans la grande fête
Petits pois dans le potager
Ils reviendront pour mieux cerner
la lumière close en nos têtes
Mots et couleurs

Amis donc « A la revoyure ! »
Nous ne sommes pas des voyous
Nous les mots doux en confitures
Les couleurs halées sur nos joues
Mots et couleurs

Et que l’été vous soit propice
Le cœur aussi gros que la cuisse !

29 juin 2007

DESAPPROBATION


Je désapprouve
Je désapprouve les chemins
Ils vont trop vite, ils vont trop loin
Je désapprouve les barrières
Elles sont semées à fleur de terre
et pourtant ne rapportent rien
Je désapprouve aussi mes pieds
quand ils ne savent où aller
Pourtant j’ai acheté des cartes
et des voitures et des rambardes
(pour les ponts j’ai perdu la trace)
De toute façon tout est fichu.
Je désapprouve les projets
les alibis, les demi-mesures
Ah ! Si j’avais changé d’chaussures
Sûr que j’serai allée plus bien
Sûr que j’s’rai arrivée à l’heure
Mais comme je conte pour du beurre
je pourrai pas finir l’histoire.
Je désapprouve ma mémoire
sélective qui ne fait que rire
quand je lui renvoie l’ascenseur
de mes cent ans, de mes humeurs

Signé :
la pièce démonétisée dans la corbeille dévaluée de l’église désaffectée

PS mais le dimanche où nous chantions la pièce a reçu sa monnaie!

27 juin 2007

L'USINE

Dans un de mes rêves, je dévale la route qui va du tournant de la route du Bouchage au carrefour d’où part, à droite, le chemin qui conduit chez Démoment. A midi, dans la réalité, je me rends chez Démoment, le disciple de mon père. Il voue à celui-ci respect, admiration ; il a été formé comme piqueur en chaussures par mon père. L’élite des ouvriers c’est les coupeurs et les couseurs. Mon père engagera mon frère Roger à être piqueur, mon frère Marcel à devenir coupeur. Choix mal adapté à la situation de l’emploi, les usines de chaussures vont dépérir dans les années cinquante mais je crois savoir pourquoi mon vélo nocturne me ramène à des heures interdites sur ce morceau de route. Je viens voir mon père, ouvrier chez Servonnat. Je vais passer le portail et accéder enfin au long bâtiment qu’est l’usine, laissant sur ma gauche l’élégante petit château des patrons. Je le verrai à son poste de travail, là où passent ses années et ses journées, attentif, fier de lui, mon père noble, mon roi. Imbéciles ! Je suis la fille d’un roi et vous ne le savez pas ! Démoment, lui, le sait et mes frères aussi qui ont travaillé avec le roi. Mon père est l’élite des ouvriers, l’élite de l’élite.
(Le dessous des paupières 1983)

26 juin 2007

SUITE A IMPRO


SUITE à L’IMPRO : L’usine
Autour de la chanson
« C’est là que je suis née, que j’ai vu la lumière
Au pied des cheminées qui ne fument plus guère … »

Je suis partie à cinq heures du matin vers Morestel où travaille mon père Comme lui dans le froid du petit matin je suis partie. L’usine, travailler à l’usine, fait partie de mon enfance et de mon adolescence.
Danielle accompagne avec ses pinceaux. Elle me donnera l’œuvre. Hier au soir, à l’encre noire, cette encre noire chinoise qui a une épouvantable odeur, l’impro se prolonge … Je la retrouve ce matin à l’odeur.

Imagine Danielle une usine en plein air … Usine à courants d’air … Comme des crayons les cheminées écrivent sur le ciel un message imbécile, toujours le même : elles broient du noir. Elles découpent le temps en volumes, en volutes inconsistants. Elles soupirent … dans les nuages elles actionnent des marteaux-pilons. Elles tartinent, les usines … Elles turbinent, les frangines … Comme nous elles font ce qu’elles peuvent pour exister. Et puis, en dessous, elles réclament attention, patience, force, courage. Et, à la fin du mois, qu’il soit gras, qu’il soit maigre, elles recrachent le tiroir-caisse … Oh chichement ! Elles ont des comptes à rendre, des bilans à signer.
J’ai vu l’usine et ses kyrielles entrer chaque matin par le grand portail. Elle broyait les saisons. Elle avait ses humeurs … mais en ce temps c’est elle qui claquait la porte au nez des ouvriers, pas l’inverse
J’ai vu l’usine manger le temps. De mon père, de mes frères, de ma sœur, de ma mère. Moi j’ai fui à l’école …
Maintenant elle est morte ;;; c’est plus loin qu’on fabrique nos chaussures, nos voitures, nos pneus et nos clous ;;; L’usine n’est qu’un mot mort déposé sur la table l’usine l’usine l’usine l’usine de tissage l’usine métallurgique l’usine Servonnat la SOFAL l’usine du Sablonnet l’usine l’usine l’usine l’usine

25 juin 2007

IMPRO EN COULEURS

IMPRO

En Juin tous les groupes tiennent à conclure en public. C’était à Villefontaine la soirée Impro où chacun reprend son travail de l’année. Impro donc dirigée, je participe avec la voix tandis que les musiciens mélangent leur imagination et leur technique. Avant j’ai toujours peur que cet instrument si fragile se casse sous le coup de l’émotion. Mais non ! Encore une fois le miracle a lieu, ma voix bien plus vaillante que mon ventre ou mes jambes.
En fin de soirée nous abandonnons toutes les ambitions et nous nous lâchons. Des petits papiers avec un mot clé ont été distribués. Les candidats à l’impro, trois, quatre … se font connaître. Le papier déplié délivre ses ordres et c’est parti. Je tire NAITRE, puis NOIR. Pour la toute dernière impro sous la direction de Claire tout le monde sur le plateau. Le petit papier demande « Ah ben dis donc ! » ( il se trouve que c’est ma proposition, souvenir d’Aben ?). Nous sommes deux à la voix. Les violons violinent sur un signe de la chef d’orchestre, les flûtes, guitare, percu occupe l’espace … Danielle au pinceau et à l’encre fonce dans le brouillard …
- A nous ?
Quel amusement ! Nous délirons sur fond musical, le sens s’échappe malgré nous, Et Lui alors ? Lui qui vient de rejoindre la piste. Qui est-il ? Purement imaginaire ? Fumée contestataire ? Parabole ? Hyperbole ?
Ah ben dis donc. Tout l’orchestre reprend « Ah ben dis donc ! »
Dans ces moments-là j’ai dix ans, exactement comme lorsqu’il s’agissait de tourbillonner dans la ronde. Ah ben dis donc je n’avais pas vu que j’étais déjà arrière grand tante !

24 juin 2007

DU RHONE ENCORE


Plutôt seront Rhosne , et Saone desjoinctz,
Que d’avec toy mon cœur se desassemble :
Qu’avecques nous aulcun discord Mont joinctz,
Plus tost verrons et toy, et moy ensemble
Le Rhosne aller contremont lentement,
Saone monter tresviolentement,
Que ce mien feu, tant soit peu, diminue,
Ny que ma foy descroisse aulcunement.
Car ferme amour sans eulx est plus, que nue.

C’est en pensant à Pernette que Maurice Scève ( 1500- VERS 1560) écrit ce poème du Rhône. Et c’est en pensant à toi que je le recopie

22 juin 2007

GROTESQUE

Encore les sollicitations de l'atelier d'écriture. Mais quelle photo dans ma collection peut illuster ce mot. Une anti-grotesque ce devrait être facile ...



Grotesque c'est gros, c'est le nez gros, c'est le gros zizi, c'est la grosse plaisanterie, c'est la connerie généralisée. C'est masculin. Dans mon esprit, hélas, grotesque est la force imbécile du mâle qui croit pouvoir me terrasser, me faire taire, me faire rentrer sous terre. Alors je prends mes petits poings ( je les ai pris) je les serre très fort jusqu'à ce qu'ils deviennent de l'acier. Je mets aussi du fer dans mes yeux. Je flingue, je fusille, j'ironise, je provoque, je me grossis. Je craque aussi. Je me disperse en petits morceaux. Je m'évapore. Puis, je rassemble mes esprits, les gros, les petits, les grotesques et les malins. Je fuis. Il n'y a pas d'autres solutions que de fuir. ça fait très mal. Tu te retrouves au bord de l'eau, du gouffre, désemparée. T'as pas de valise, t'as que tes yeux pour pleurer. Puis ... un petit vent frais se lève. Tu retournes la situation. Tu vois plus clair. Tu ne regrettes pas d'avoir affronté Grotesque et son train. La prochaine fois tu t'y prendras mieux. Tu relèves le défi, la tête. Tu sors ton pipeau, tu joues un air improvisé. Tu te marres. Tu te la joues. C'est pas grotesque, c'est génial. Tu es géniale, ma chérie. Tu vas t'en sortir. Tu prends la route ...

21 juin 2007

PUIS


"Puis" fait partie selon l'angle de vue du langage correct ou du mauvais français à corriger. "il m'avait puis dit " = alors. C'est du patois ou presque, à éviter. Puis, seul, sans ET - "et puis" étant un pléonasme - peut s'utiliser en rédaction et passer pour parfaitement acceptable, à condition de ne pas se répéter trop souvent, la répétition étant elle aussi une faiblesse. Donc, c'est alors, ultérieurement ... doivent remplacer le "puis" trop abondant. Et alors ? Où en suis-je aujourd'hui de mes fréquentations avec PUIS. Aujourd'hui même ? eh bien. je me suis tirée de mes rêves, non sans mal. Puis j'ai déjeuné, ensuite ... je ne sais plus. Puis, ce soir, je me suis retrouvée face à l'écran, en bonne condition pour l'interroger, et, bien que fatiguée par le voyage, j'ai décidé de répondre à ce "puis" interrogatif. Hier au soi, soirée d'impro, musique et jactance. J'avais tiré le petit papier NAITRE. Tout s'est enchaîné à merveille avec ma partenaire. Je suis née puis j'ai grandi, mais " il n'y a pas d'âge pour naître". Donc je suis née, puis je me suis renée chaque jour, chaque matin. C'est pourtant simple. Il n'y a pas à marquer les étapes du temps. Puis n'est qu'une borne kilométrique sur le chemin, que l'on peut fort bien déplacer si on en a envie. EX : Je suis morte puis je suis née. Je fais cuire les haricots, les premiers du jardin, puis je les ai ramassés ce tantôt en m'apercevant qu'ils ont- mais- puis des pucerons. Puis n'est qu'un mot de passage.

20 juin 2007

RHONE( SUITE)


Aujourd’hui, près de l’eau, j’évoque en quelques mots pour Anne et Patrice, les bateaux chargés de bois qui apportaient des îles jusqu’à la berge la coupe de l’hiver. Je n’en ai qu’une vision abstraite soutenue par quelques mots – l’harpie, le courant, les tourbillons, le Rhône est traître – Je n’ai jamais vu mon père en capitaine, dirigeant la traversée avec les frères Togo. J’ai entendu le récit, en fin de dîner de cochon, entre deux coups de gnole, de ces bagarres épiques contre le fleuve car, seules, les hautes eaux permettaient ce travail. Le risque accepté. A la maison les femmes, toujours elles, « se font bien du souci » « du mauvais sang ». Elle piaillent un peu plus après les gônes ces jours-là, elles disent « le papa » avec plus de mollesse dans la voix et puis, j’imagine, le soir où les trouvères racontent leurs exploits, elles se taisent. Elles seules savent que leur Charlemagne, le soir du grand combat, était bien pâle, se mit au lit au plus vite en les pressant d’en faire autant, frissonna brusquement et s’endormit en les serrant un peu plus fort.

Je quitte les enfants – quand donc perdrais-je l’habitude de les appeler ainsi !- Ils font demi-tour, concentrant une amoureuse attention aux pissenlits de la peupleraie. Aubépines en préparatifs de première communion …

« Ce pays, nous n’avons pas fini de le découvrir ! » Homme venu d’ailleurs, neuf, tendre, subtil, modeste, homme de sympathie, je te salue Aïn, au-delà des nuages. Plus loin, ton île. Peut-être es-tu là-bas qui regardes aussi. Je me suis élevée d’un mètre environ dans la fourche d’un arbre qui lance trois troncs à l’oblique autour de moi. J’entre en Rhône. Je ne sais où donner de la tête. Je ferme les yeux pour mieux entendre les oiseaux et c’est le vent qui siffle dans mes oreilles et l’oiseau juste au-dessus de ma tête descelle mes paupières.Il s’envole Frrrt … pour se poser sur une branche extrême qu’il fait plier, se balancer, s’arrêter, s’extasier … Puis s’envole plus loin. Le toupet de l’arbre très doucement caresse le ciel. Le soleil me chauffe. A droite, l’eau, au travers du lacis des branches, à gauche les champs ennoyés. La trace qui se perdait se retrouve entre deux eaux, épaisseur du fleuve dans son lit et mares tranquilles sur le blé et les « cutères » fraîchement retournées. Ce petit sentier philosophique qui demeure à pied sec et permet, contre toute vraisemblance l’approche de tout cela. Je sais que ce bonheur n’est pas allégorique. Je sens que je suis bien, tous mes sens déployés, ardents, vivaces. Je sais que ma tête repose. Et si je mets des mots, maintenant, après, entre cette quiétude et la page, ce n’est pas pour revivre (j’en connais l’impossible) mais j’ai besoin de dire, ne serait-ce qu’à moi : Alléluia ! Alléluia !
Je suis un arbre immense. Quand j’ai sifflé toutes sortes de trilles sont venues à mes lèvres. Parfois j’imitais les oiseaux, parfois j’inventais des musiques. Une fois, je le jure, l’un d’eux m’a répondu.

Je suis rentrée d’un bon pas. Sans fatigue, sans hâte, en prenant bien le temps de revenir dans mon ordinaire, plus unies Elle et Moi, depuis cette fusion dans l’heure et le soleil.

19 juin 2007

RHONE 1


Chère anonyme

Ce matin je corrige « Le dessous des paupières » pour le porter à l’APA. Je passe le long du Rhône, non pas sur cette superbe autoroute à promeneurs goudronnée que nous avons empruntée l’autre jour, mais par une ancienne « challe » de ronces et d’obstacles. Il y a maintenant 25 ans que j’avais écrit cette autre promenade.
Je pense à toi en copiant-collant ce passage. Mais aussi à Mariel dont les échos de lecture me ravissent. A d’autres, j’espère aussi, surtout à ceux bien sûr qui auront le loisir de me témoigner leur lecture

RhôNE 1-

Ce matin, le monde tout entier était au bord du fleuve. J’étais au monde. Vendange et pressoir. L’eau passait par-dessus la digue. Blanche, limoneuse, elle courait vite en direction de L’île des Brotteaux. Un pêcheur m’a dit (petite parole de pêche pour dire « je suis là ») : « Le Rhône est gros. Il baisse un peu. Regardez ! ». Une trace mouillée sur la « bone » (la rive). J’ai remonté à contre-courant vers le pont d’Evieu, sans songer que j’irai jusqu’au pont. Jamais je n’avais dépassé la plantation de peupliers. J’ignorai même qu’un passage était possible entre les vorgines, les buissons. Sur la berge, en face, deux étages de végétations, le premier, régulier, vert-jaune, en quête de printemps ; le second, au-dessus, gris encore, branches fines se découpant sur le ciel. Le tout bien tracé au cordeau en deux lignes parallèles ; le fleuve est si gros : Rhône-Amazone-Congo.
« Toi aussi tu t’offres tes rêves ? »
Je ne l’avais jamais vu ainsi. Ce paysage, à deux pas de mon quotidien, je ne suis jamais venu le regarder. Ce sont les hommes qui viennent ausculter le fleuve en période de gestation. Mètre ou bâton témoin en main. Il monte, il descend, un centimètre à l’heure, deux centimètres … Il galope. Que dit Seyssel ? Que dit Génissiat ? Le maire a-t-il des nouvelles ? On enfourche les vélos. On se réunit en petits groupes compétents. On parle de choses et d’autres. Il y a des frissons de plaisir. « Y a du nouveau ? » Interrogation ? Exclamation ! et les deux à califourchon. Si la plaisanterie risque de durer, on sort les barques, on rehausse les poulaillers ; selon la saison, on tire les carottes, les pommes de terre, on ramasse l’herbe aux lapins ( l’herbe rhônée ça donne le gros ventre), la salade … Mais surtout on se promène, on se champèye,* on parle … le Rhône arrive, on peut arrêter les routines. On l’attend.
Combien mon inaction, mon immobilité à la maison me pesait. J’étais une fille, je n’avais pas le droit de sortir. Je n’avais pas de bottes, de cuissardes. Le Rhône en crue me confinait au monastère. Pourtant, au réveil, je l’avais vu de la fenêtre. L’eau frise sur le chemin, sous le vent. Les piquets des parcs sont raccourcis de façon comique. On entend des voix qui viennent de l’eau. « L’eau, ça porte ! » c’est bien connu. Sans doute aussi les hommes s’efforcent-ils à grossir leurs voix pour les entendre porter sur l’eau. Les pas dans l’eau, pas ralentis, alourdis, tracent un sillon sonore. L’eau affleure dans la cour. Je vais regarder de plus près. Je pose une pierre, une autre, mais où me mènera cette aventure de pierre en pierre ? A cinquante centimètres de la limite de la cour, le chemin me rappelle ses creux, ses fossés « Tu n’iras pas plus loin, allez ! rentre à la maison ! » J’ai aperçu cependant entre son coude avant et son coude arrière, le chemin d’eau. L’odeur fade m’a piqué le nez. Aurons-nous cette fois un « gros Rhône » -celui qu’on sollicite de toutes les vessies enfantines du quartier – une grande catastrophe dont le journal Le Progrès fera part … comme en 1944 … un de ces bons cataclysmes naturels qui font s’effondrer nos granges, crevassent nos murs de pisé, soudent nos familles, amènent sur nos bords le regard des autres et leur sollicitude, nourrit les solidarités fondamentales ?

18 juin 2007

CONCERT

Vendredi soir aux Abattoirs à Bourgoin, nous assurons la première partie du spectacle. Nous, groupe d’Izieu et groupe de Bourgoin, qui avons travaillé avec Véronique les chants des Balkans. Véritable salle de pro, équipe de techniciens du son et de l’éclairage, « balance » à 17 heures.
Et un orchestre d’une quinzaine de musiciens ! Quelle curieuse impression finale dans les coulisses. Déjà ! c’est fini ? On recommencerait bien.

Oui, c’est déjà fini
Avons-nous bien chanté ?
Les applaudissements étaient-ils mérité ?
Mais comme c’est bizarre ! La glotte nous démange
Il nous faut grand orchestre à chacun des dimanches
Il nous faut grand pavois aux joutes de la voix
Même concentration bonheur pour la prochaine fois

Hier nouvelle répétition pour un nouveau lieu de concert, bien plus modeste : l’église d’Izieu. Et là il ne faudra compter que sur nos forces d’amplification.

17 juin 2007

bouchée doubles, petites gorgées


Bouchées doubles

Le tracteur dans le champ laboure tout soupçon d’herbe
L’homme dans le brouillard veut laisser la planète
nette
comme un sou neuf
Le sou de son enfance secrète

Petites gorgées

Boire du matin ce soleil raide qui pointe entre les branches
et laboure le ciel de sa neuve espérance
Sur portée de nuit tiède
poser les notes d’un réveil

16 juin 2007

VINGT ANS !


16 juin

Sarah,
Déjà tu as vingt ans
Tu as vingt ans ma belle
Tu es bien loin de moi
Tu es dans ces ruelles où la vie se bagarre
quand je suis revenue seule à la même gare
d’où l’on ne repart plus

Le temps est au soleil
Je me souviens très bien
de la pluie torrentielle
qui coula dans mes veines
comme derrière les vitres
ce matin, le premier …
Je roulais sur la route
tu venais d’arriver
je riais, je pleurais de rire et de bonheur
J’ai dit « Merci mon Dieu »
et dans ce beau déluge qui me faisait grand-mère
je savais que j’irai jusqu’au bout de la terre
pour te le souhaiter ce Bon Anniversaire

14 juin 2007

14 JUIN BIENVEILLANCE


Déjà tu es venu et déjà tu repars
Ta chanson court encore au creux de mes oreilles
« j’ai soif, oh ! j’ai soif d’un baiser » me dit-elle
et j’acquiesce à ce vœu, mais, pour ce soir,
je sens tant de baisers dans le moindre brin d’herbe
tant de paix dans l’oiseau que je ne veux plus rien.

Nous avons bien marché, au moins cinq kilomètres
Le Rhône accompagnait chacun de nos remous
Le pêcheur sur la berge, le vent dans notre cou
Tout était bien d’accord avec nos privilèges

Quand tu as prononcé le mot de bienveillance
Je me suis souvenue alors de ma chanson
Je t’ai tout raconté du voyage en Pologne
Et je te l’ai chanté pour preuve et pour borne
Au malheur quand on croit en perdre la raison.

13 juin 2007

13 JUIN je t'attends


Préparer ta venue c’est relire tes phrases
C’est entendre ton rire qui court sur les cailloux
C’est prendre le chemin pour fortifier cette heure
où nos pas se diront comme lèvres et joues.
En marchant promenade, en touchant le piano
Nous oublierons, amie, ce qui nous fit si vieilles
Car, jeunes, nous le sommes, chaque fois que l’abeille
bourdonne sous nos fronts d’un murmure si doux.
Je reprends la chanson qui m’est venue hier
Tu arrives ce soir, à la rigueur demain …
La journée s’ouvre en moi avec tes deux mains
Et déjà je t’attends, et déjà je t’espère

12 juin 2007

L'AMOUR EST

L’amour est un bouquet de violettes

Pour le mariage des jeunes gens, les parents nous avaient demandé le carton d’orgue de cet amour parfumé, cher aux souvenirs de la grand-mère du marié. Nous l’avions trouvé sans peine. L’orgue de barbarie conserve les anciennes chansons, du moins les plus célèbres, avec vigilance.
Nous l’avons chanté sur la pelouse, sous le soleil, dans la joie des mélanges de générations, du champagne et des petits fours, de l’accord du ciel avec la montagne, des civilisations différentes : l’Inde et la France. Ce jour-là se mariaient les rencontres, se mariaient les espoirs, les désirs, les prières et les chants.
Un registre était disposé sur une table. Il fallait se prendre en photo et laisser son message. Je m’approchai de la table en même temps qu’un jeune homme qui annonça que le sien commencerait par « l’amour est un bouquet de violettes » Oh non ! protestai-je, j’allais le faire … En jeune homme respectueux de l’âge ou simplement gentil, il m’accorda la préséance. Ensuite les mots d’accompagnement vinrent spontanément …
Cueillons, cueillons ces fleurettes …

« Quand le bonheur en passant
vous fait signe et s’arrête
Il faut lui prendre la main
sans attendre à demain. »

Hier le conseil ne cessait de me soutenir dans ma réinstallation à La Loue : désherbage, tonte, chasse à la limace, aux araignées … Heureusement que le bouquet m’accompagnait de ses volubilis violets, voluptueusement vivaces ! Jardinage et nettoyage sont aussi de l’amour mais dieu ! que la terre est basse et les étagères hautes !

10 juin 2007

NOTES



Samedi retour : proposition de l'atelier d’écriture : NOTES

Résolument de musique. Ne veut pas en entendre d'autres. Ni bonnes ni mauvaises. Ras le bocal des notes et appréciations. Pendant trois semaines j'ai côtoyé un enseignant, un collègue. Repéré dès la première minute. Malgré l'âge, continue de se souvenir de toutes ses bonnes notes, de ses exploits depuis la maternelle. Pour un peu réciterait ses notes d'inspection. Définitivement scotché à la note. Souvenirs évoqués dans l'intention d'impressionner le voisin. "oh ! oh suis pédago et je m'en vante. bon pédago évidemment ! Excellent même" 20/20." Me sentait devenir misanthrope, anti-enseignant primaire.
Et moi et moi et moi, de la même eau, de la même tourmente ? (forcément,derrière ce souci, le besoin d'être rassuré). Moi qui ai le bonheur d'avoir rompu les amarres depuis pas mal de temps avec la machine à noter. Trois petite notes de musique me suffisent pour avancer. Je me réveille : elles sont là, je les câline, je les murmure, les remercie pour l'accompagnement. Souvent notes de mes chansons. Parfois, notes nouvelles que je saisis au vol, que j'emprisonne sous la douche, que je fais dégouliner sur moi. Notes pucelles. Ne sait pas toujours les noter, j'ai besoin du piano pour les identifier. Certaines s'installent si bien avec armes et bagages que je dois les charrier sur une deuxième chaîne quand la première est occupée. Comme pour les mots, de nuit comme de jour, l'urgence de les noter, les conserver au frais, au chaud, à disposition pour les générations futures.

PS : ce matin dimanche, je me réveille, les mots et notes encore tout frétillants dans la mémoire, chantent sol, la sibémol, la sol, fa, sol ré ... Et qu’est-ce qu’ils disent ?
« a picorait dans l’cour d’la farme
a picoti, a picota
Nous autres quand on changeait les draps
on savait ben qu’c’était d’la marde »
Prélude à un sketch revendicatif sur les classes sociales en France des origines à nos jours ?

07 juin 2007

16 GLANE


église d'Allevard, statue de la vierge en bois

Récit de Paulette, à table.
A Bessan le pays du diable …
Le père de ma grand-mère paternelle … Il sculptait sur bois des saints, st Pierre, st Paul ... Il était aussi chantre à l’église et sacristain. Mais cette année-là le curé décida de ne pas offrir le vin blanc à la Toussaint. Pourquoi ? Qui est-ce qui sait ? Peut-être la fille de l’ancien maire qui s’occupe de l’ancien temps, de généalogie … Alors Etienne, au lieu du traditionnel saint sculpta le diable qui piquait de sa fourche l’arrière-train du curé. Il alla déposer la sculpture devant la cure. Le curé comprit si bien qui pouvait avoir adressé ce message qu’il fit retraverser le village au diable jusqu’au grand-père. Et ainsi de suite, de jour en jour ou de nuit en nuit. Au bout d’un mois, un colporteur vint à passer. Il faut se souvenir que les maisons étaient enfoncées dans le sol pour se tenir chaud. Les fenêtres affleuraient juste à hauteur de la rue. Le colporteur tapa au carreau et proposa un si bon prix pour le diable qu’il l’emporta. « Tiens ! a dit Etienne, le diable me rapporte plus que les saints. »
Depuis pendant trois jours chaque année, les sculpteurs de la Haute-Maurienne et même d’Italie se regroupent à Bessan pour continuer la tradition et faire des bonnes affaires.

15 INSTALLEE INSIDIEUSEMENT


Installée insidieusement. Dans les sinus, la sinusite. Dans les tranchées, la trachéite. Dans les neurones, la désespéréite.
Installée ouvertement dans le cabinet radiologique, la compétence radiographique. Mais rien, merci ! dans la vésicule. Rien dans le wirsung et le pancréas. Rien dans la rate ni les deux reins ni l’unique foie qui ne va pas.
Bref, insidieusement installée, la statistique, l’échec patent, chez moi, spécialement, dans le tout petit pourcentage récidiviste, le bonjour inopérant, la nullité curative.
La déchirure intercostale, installée en mer Méditerranée.
Le ciel est gris, la route est défoncée.
A l’atelier d’écriture, installée, revenue aujourd’hui, ouf ! l’envie bizarre de prendre les mots pour entonnoirs alors qu’hier j’avais cru, à tout jamais cuit dans la vieillesse grincheuse et malvenue (celle qui avance à grands pas sournois ou petits entrechats matois) … tout perdu.

14 IMAGE MA MERE


Humiliation. Ma mère me conduit à L’Ecole Normale ? Oui ! J’ai réussi au concours. Christiane, fille de Monsieur et madame Eyraud, instituteurs, a réussi et elle m’a dit - elle sait ce qu’il faut faire- que les parents devaient d’abord aller se présenter et présenter leur enfant à madame la Directrice. Je suis donc là, au bout du couloir, avec Maman et j’aperçois de loin la directrice :
Madame, Madame ! Maman est venue me présenter
(On a pris le train, on est arrivé à la gare de Grenoble, on est allé au café pour boire quelque chose, maman a demandé d’une voix précautionneuse des croissants ! et puis on est arrivé, on a trouvé l’Ecole Normale, on y est arrivé. Maman a mis son tailleur et son chapeau.)
La directrice, après laquelle j’ai couru, jette un coup d’œil sur la silhouette empruntée du bout du couloir, me rabroue et entre, souveraine, dans la salle des professeurs. Le renseignement était de mauvaise main, peut-être pas pour les filles d’instituteurs mais pour celles de paysans, oui ! mais ne t’en fais pas maman ! je la parlerai la langue des dieux et des livres ! La bouche en cul de poule, je la ferai si bien qu’ils m’inviteront à leurs tables, les négations seront bien placées, les mots bien mis, si propres, si corrects, ne sortiront plus de la queue des vaches et puis et puis, excuse-moi Maman, je crois que j’aime changer de camp, je crois que les beaux mots à l’eau de Cologne je les aime aussi, plus que les nôtres peut-être …


Enfants, mes enfants !
Allez voir, allez entendre votre grand-mère, la m’man, la m’man Gie. Allez écouter la mère-fatigue, la mère-rage, la mère-courage. Ecoutez une vraie parole d’expérience, de sensibilité, d’attachement à son terroir, à son sort. Mélange de terre originelle, d’Eau de Cologne empruntée, elle parle, elle a à dire …`
Depuis quelques mois deux petites filles de la ville – leurs parents ont acheté et sauvé une de nos vieilles maisons - viennent voir Maman. Ensemble, elles vont donner aux lapins, caressent les petits chats, grondent le chien qui fait tant de bruit. Elles dessinent pour leur amie de quatre-vingt ans les mêmes bouquets que je faisais. Même tracé gauche, même fleurs piquées dans les mêmes pots trapézoïdaux. Peut-être auront-elles le temps de découvrir cette Madame Moyroud qui s’immobilise « songeuse » dans son fauteuil, puis qui s’anime, vive, enjouée, et donne, donne … Tout cela parce que les petites filles ignorent les barrières de toutes sortes et sont venues à elle pour donner et recevoir, sans se poser aucune question.
Dansez les petites filles toutes en rond
En vous voyant si gentilles, les mères et les grand-mères riront

Et merci pour elle et pour moi.

Extrait " le dessosu des paupières 1983

12 IMAGE DES FLEURS


Un jour de fête des mères, montez jusqu’au Glezin
Cueillez nos mines fraîches sur la pente des ombres
En chacune de nous laissez se regarder
les nuits belles au berceau, rudes quand vient le soir.
Car les mères, comme nous, sont souvent sans mémoires
Elles oublient les orages et préfèrent l’embellie.
Elles attendent toujours un souvenir de fête.
Qu’on ne regrette pas qu’elles aient donné le jour
et beaucoup de tendresse ! Elles ont, tout comme nous,
tenté de faire au mieux. Elles se sont promenées
Ont poussé les landaus, ont soigné les brûlures …
Parfois se sont sauvées pour ne pas être dupes
des faux serments et des pas retenus
des étreintes codifiées,
des devoirs lourdement tarifiés.
des vengeances.
Elles ont, fleurs éphémères, comme nous, espéré
qu’on pouvait amarrer le temps dans sa poitrine.
Bref ! elles ont vécu, et laissent aux enfants
le même goût des heures, de la beauté friable.
C’est déjà ça !
Sachez les regarder comme vous nous cueillez
Sans remords, sans regrets et sans autre exigence
Qu’une fois l’an elles soient les fleurs de vos consciences.

Signé, le 6 juin sur les pentes
Et les talus
Et les adrets et les ubacs
Les fleurs

13 IMAGE DES MERES


MARIE ROUANET « LA MARCHE LENTE DES GLACIERS »
« Je portais mon cartable sous le bras ;
- tu as cassé la poignée ? demanda-t-elle, inquiète.
- Non, répondis-je. Mais cette année les sixièmes portent le cartable comme ça.
J’étais fière. Je pensais à moi, à ma vie qui avançait vite, vite. Ce qu’elle était, elle, à ce moment-là, je n’y songeais pas. J’ai beau chercher, son visage, s’il n’y avait pas les photographies, serait blanc. Elle était immuable, ce qui ne faiblit jamais, dont on ne peut imaginer seulement la fêlure tant on est confiant, qui rend l’élan de l’enfance possible, le bonheur saisissable. Je sais seulement aujourd’hui ce que je dois à l ‘accomplissement de ce qu’elle considérait comme le moindre des devoirs – non qu’elle eût prononcé jamais le mot, mais parce que c’était sa charge à elle.
Je ne le savais pas quand j’avais l’âge de ces enfants qui traversaient aujourd’hui le jardin. Pour eux aussi, des mains sans visage préparaient la tartine qu’ils trouvaient près du bol rempli de lait. Comme moi, ils partaient pour l’école en laissant la maison dans le désordre de la nuit et rentraient en courant pour arriver plus vite à la table préparée et s’étonnaient à peine de l’ordre revenu. Leur mère, comme la mienne, comme je l’avais fait, s’étaient activée tout le matin en courses pesantes et en nettoyages, avait calculé dans sa tête les menus du jour. La vie coulait, identique, flot suivant le flot, amour prenant le relais de l’amour. Ces écoliers joyeux étaient environnés comme je l’avais été d’une certitude solide comme la terre, invisible comme l’air, qui donnait leur prix à toutes les menues choses du jour. »

« au bout du fil du trottoir où je joue, au bord de mes jeudis, au matin de mes dimanches, elle est dans le linge frais, la maison en ordre, le pavé net, la vitre étincelante, l’armoire rangée, le gilet tricoté. Elle est là, dans la trame invisible des jours d’hier où elle accomplissait tout sans murmurer et trouvait pourtant, toute chargée de ses services, le temps d’aimer la rose, l’odeur de la pluie et les lumières du jour. »

02 juin 2007

iamge 7 Gleyzin


Ça y est ! déjà une semaine de cure. Le rythme est pris. Le temps s’est refroidi mais j’ai ajouté un damart sous le pull. Je me suis installée à la même pension que l’an dernier, avec le même clocher à rayures par la fenêtre, le même Gleyzin enneigé. Sauf qu’il paraît encore plus blanc depuis cette nuit de chute abondante et que le Bréda cascade encore plus fort.
Olga, la bonne hôtesse, vient de me présenter ma nouvelle voisine de chambre. Elle ne vient pas pour la cure mais pour une exposition de dessins. Ses dessins ! Aurore est aveugle.
La cure est curative de beaucoup de maux. Cure de calme et patience dans les salles de soins et les couloirs d’attente. Silence en principe obligatoire. Je me suis entendue faire l’éloge du « tout plan-plan ! » à une patiente impatiente. Cure de « merci ! bonne journée ! à demain ! » et autres amabilités : les soignants ont intégré les ordres de la direction et ménagent leurs forces, pour une saison qui sera longue. Chacun ici se lamente de la baisse de fréquentation. 1O % par an ; à ce rythme les précieuses eaux financières du thermalisme vont se tarir.
Pourquoi ? Est-ce la concurrence de la puissante « Chaîne du soleil » ?
Allevard est pourtant une petite ville sympathique, paisible, agréable, surtout quand il fait beau. Une gestion encore municipale serait à encourager quand la mode est à la mondialisation des ressources et à la capitalisation des intérêts.
Le must c’est les applications de boue chaude sur toutes les zones où la vieillesse coince. Ligotée dans du plastique il n’y a plus qu’à revenir doucement au stade embryonnaire. Ce que tu imputes à un disfonctionnement inéluctable par usure de la machine paraît se réduire à un presque rien. Quand tu sors du pavillon rhumatismal il est midi. Le clocher appelle. Et, les pieds sous la chaise, il n’y a plus qu’à se laisser nourrir dans le silence des fourchettes à la table communautaire. Vrai retour à l’enfance, à ses siestes sans rêves et réveil guilleret.

image 8 70 et PLUS


« … enquête infinie dont le texte est l’objet. Descendre dans le texte comme on descend dans sa vie selon soixante-dix niveaux de lectures, rien de moins, méthode que les rabbins synthétisent à travers les quatre lettres du mot PaRDès (le verger)/…/ descendre dans les eaux et une fois dans les eaux, chercher les eaux intérieures et descendre plus profond encore »
de Annick de Sousenelle « le Monde des Religions » les mystiques.

Donc, double chance après les soixante-dix degrés atteints, d’arriver au verger, après l’orage, d’y cueillir des cerises imputrescibles, d’en faire une telle razzia que le jus en dégouline des babines. Le bon jus rouge de la joie, des baisers, des nourritures simples et substantielles.

Et regarder, par le fenêtron de la vieille grange abandonnée, le jour. Comme le premier jour sauvegardé, comme la première lumière sur le monde, comme un premier amour, comme une renaissance … comme une éternité.

IMAGE 9 AURORE


LES YEUX D’AURORE

Les yeux d’Aurore
courent sur la plage
réinventent les coquillages
jouent au soleil avec la pluie

Les yeux d’Aurore
battent des cils
éparpillent les apparences
cherchent très loin dans leur mémoire
les lacs inconnus du silence

Aux couleurs accrochant des rêves
les yeux d’Aurore
déjouent pièges et sortilèges
ne veulent voir que ce qui est

Bien sûr : étoiles frémissantes
Soleil d’or et ciel d’azur
Sons très doux de tout ce qui chante
Barques amarrées dans les murmures
de l’amitié et de l’amour

Mais aussi bagarres incessantes
contre viol d’âme et cris de haine
Combat pour que la lune éclaire
les illusions à prix réel
revendues plus de cent pour cent
dans les supermarchés des chaînes

Nage acharnée près des naufrages
pour y repêcher les enfants

Les yeux d’Aurore se multiplient
dans le quotidien des rencontres
pour que puissent faire la ronde
les yeux grands ouverts du monde
sur la beauté et sur la vie

IMAGE 1O


Un curiste quand il pleut
n’est pas un curiste heureux
S’il mange plus pour se distraire
il grossit comme baleine
Il grossit et s’épaissit
de l’humeur et du nombril

Un commerçant quand il pleut
n’est pas commerçant heureux
Il faut rentrer les corbeilles
Du trottoir éliminer
en juin les soldes d’été
Et les taxes qui les paiera ?

Seul le Bréda quand il pleut
se réjouit et prospère
Accroché à ses maisons
il joue à colin-tampon
il rugit comme un lion
et se lave le derrière

IMAGE 11


(salle des inhalations froides)
Chuchotements, friselis, mini embrouillaminis
Très lointaines apostrophes dans les forêts profondes
Djinns, elfes, korrigans, fées brunes et fées blondes
« Silence obligatoire » Seule la vasque résonne
de ces appels diffus d’une eau qui se fait ondes
Dans la salle aux murs blancs, aux plafonds-planchers blêmes
ce qui sourd à mi-voix, ce qui s’entend à peine
réveille dans les dans les cervelles des serments oubliés.
Est-ce le son du cor hélant le chevalier ?

Mais, le temps achevé, le curiste s’éloigne
Il n’a pas su traduire le chant de Charlemagne
Dans ses trompes d’Eustache il ne peut plus garder
que le son capricieux d’un vieux livre oublié
dont il ne sait traduire ni refrains ni couplets