Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

04 mars 2009

LA VOISINE

LE LENDEMAIN

Le lendemain la pluie avait lavé les dernières traces de neige sur les forthysias ramenés au jaune incandescent. Les flonflons de la nuit n’avaient même pas laissé des canettes de bière et des papiers de chips.
Aucunes traces de tintamarre nocturne.
Quand elle passa à la supérette elle n’osa pas regarder l’épicier dans les yeux comme d’habitude. Encore moins lui sourire. Elle ramassa sa monnaie sans la vérifier, empoigna le sac en plastique blanc anonyme et ne s’aperçut qu’en traversant le parc que les pots de yaourts dits nature contenaient eux aussi un conservateur. L’aurait-elle remarqué qu’elle n’en aurait rien dit. Pourquoi inquiéter l’épicier pour si peu. Il n’a pas que ça à faire !
Elle était lasse … lasse …
« On ne peut compter sur personne » dit-elle au miroir magique de l’ascenseur qui la regardait fixement, elle rectifia : il ne faut compter sur personne.
Cependant dans sa coursive elle s’enfonça à gauche jusqu’à l’appartement 6 140 derrière la porte duquel grondait un chien, ou plutôt, gémissait en attendant ses maîtres sans doute. Mr TABARINI Aldo. un italien, ou descendant de …
Ça l’avait étonné. Vraiment ! il n’avait rien d’un Italien, ni les cheveux, ni l’accent …
Tout ça c’est à cause de la neige du coucou, pensa-t-elle.

Avant qu’elle ouvrit sa porte, tout ça la prit à la gorge si fort qu’elle tripota les serrures sans parvenir à leur extraire leurs maigres secrets, plusieurs minutes, peut-être deux seulement, avant de s’effondrer sur le palier.
A vrai dire elle ne tomba pas immédiatement. Elle n’a pas perdu connaissance tout de suite. Elle a eu le temps de se tourner vers la porte d’en face, la 6123 dans le renfoncement du coin B, trois marches en dessous. Elle a frappé timidement. Elle sait. Elle a eu le bon réflexe. Elle sait pourtant que la voisine ne répond jamais, même pas aux employés d’entretien qui ont voulu vérifier les robinets après l’inondation. Elle a donc osé, sans doute à cause de la nuit dernière. Cette nuit-là ah elle n’est pas prête de l’oublier !
Parce qu’elle se doutait que sa gorge serrée cette fois, tellement serrée, elle allait y passer c’est sûr. Bien qu’elle n’ait encore jamais expérimenté pareil étau. Les doigts, qui sur les clés refusaient toute aide, ont bien voulu actionner ce geste autrement compliqué de la phalange qui désigne, répète, insiste, comme un bec de pivert, sur la sonnette.
Et quand la voisine, démaquillée, a ouvert, elle a laissé l’eau monter, monter dans la barque, elle a laissé glisser les rames et elle est descendue jusqu’au fond …

1 commentaires:

Blogger micheline a dit...

jusqu'au fond??
quelle histoire!!!

jeudi, 05 mars, 2009  

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil