Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

30 mai 2010

des mères


Je viens de lire Annie Leclerc. Oui Oui Oui ! c’est vrai ! Elle l’a dit mais je le savais. Il faut que je le redise pour moi. Le cul cousu dans mon lit à la maternité, les mamelons crevassés, baignant dans l’imbécillité et l’incompétence, je chantais alleluia. Quand la petite bouche avide me pinçait, trouvait sa place et aspirait ma vie, j’aurais voulu qu’elle me boive toute. La joue était ronde, velue. A. s’endormait sur mon coussin mais on m’apprenait que c’était interdit. Il me fallait lui pincer le nez pour qu’elle lâche. La puéricultrice la prenait, la couchait et l’emmenait. Au matin, longtemps avant l’heure décrétée, mes seins criaient vers elle.

A. arrivait. J’entendais les chariots dans le couloir. Je préparais mes seins, soucieuse de ce « mal » qui pourrait peut-être l’atteindre. Parfois ils saignaient. Comme on m’avait badigeonné ils ressemblaient à des fraises. L’image n’est pas de moi. C’était la plaisanterie classique. Et puis, déjà, enfin, j’avais le petit paquet emmailloté entre mes bras. Je ne me lèverai pas de huit jours. Je me calais pour oublier mes sous- bassements et je regardais, j’écoutais, je sentais ce bonheur immense dont personne ne m’avait parlé- pas même ma mère, ma belle-mère qui n’eurent au lendemain de l’accouchement que des questions à me poser sur mes « douleurs » et qui enchaînèrent aussitôt sur les leurs.
Pour M-P ce fut encore plus merveilleux. Mes seins étaient des outres. Je l’allaitai trois mois jusqu’à ce que le lait se tarisse quand j’eus repris mon travail. M-P était toute placidité et sommeil. On l’appelait "notre bonne grosse" bien qu’elle ne le fut pas. Je n’avais aucun souci sur la qualité et la quantité de mon lait. Le souci venait d’ailleurs. De la petite main cramponnée à ma jupe, des deux grands yeux un peu fous qui restaient rivés sur le tableau que nous formions. Mon Nanon bégayante, envahie soudain par les cauchemars, qui n’avait pas consenti à laisser mes seins à sa sœur. Je croyais pourtant avoir fait tout ce qu’il fallait pour la préparer …

2 commentaires:

Blogger Solange a dit...

On ne sait jamais vraiment tant qu'on est pas passé par là.

lundi, 31 mai, 2010  
Blogger micheline a dit...

oui,oui, on ne sait jamais...
et ce qui reste à gérer après..
quand le petit est arrivé,5 ans après,. je l'ai mis dans les bras de la grande en lui disant:"tiens c'est pour toi"
Ils n'ont jamais oublié ni l'un ni l'autre. c'est encore une de mes plus grandes satisfactions

mardi, 01 juin, 2010  

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