Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

15 novembre 2010

B à B Suite 3


Comment sortir de la boîte à boutons ? Comment échapper au dé du sort ? Comment commencer un jeu de l’oie qui n’aboutisse pas à une case vide ? Comment coudre avec ces boutons d’aujourd’hui ces tristes jours dépenaillés d’hiver d’hier ? Comment se rappeler sans se prendre les pieds dans les fils des tiroirs, dans les pelotons de mensonge ? Oh ! tout petits mensonges ...
La boîte à boutons existe encore. Bientôt la porte du placard se fermera. La clé à tout jamais roulera et ne se retrouvera plus. Pas une fois que je n’aille la voir sans que Maman me rappelle qu’elle va mourir. On jettera sans un regard la boîte dans un sac en plastique avec toutes ces vieilleries qui ont accompagné sa vieillesse et qui ne représentent d’utilité que pour une vieille glaneuse de boutons, de menus gestes encore utiles tant qu’ils la maintiennent en vie. Coudre un bouton, celui qui manque justement et que la boîte avait gardé, à même le vêtement tout près du corps, comme on a toujours fait, sans oser réclamer une bise en remerciement.
Ma maison n’est plus ma maison. Ma mère toujours ma mère. Quand cela se passera -t-il ?
Caché, trouvé. Le fauteuil cache l’entrée du placard. Il y a déjà longtemps que je n’ai pas vu la boîte. Mais je sais bien qu’elle se trouve toujours là, tapie dans l’ombre, qu’il suffirait que je demande “ Tu n’aurais pas un bouton pour ...”. Médiocre ruse. Maman a les yeux vagues. Elle “ songe ” dit-elle. et des cernes se creusent. La chienne est venue poser son museau sur ses genoux. Elle la caresse machinalement. Elle n’a plus qu’elle à caresser. Pas plus que les enfants, Olga la chienne n’a de reconnaissance. Que la porte de la cuisine s’ouvre brusquement, elle bondit vers le nouveau venu pour des caresses nouvelles ou pour plus amples renseignements. Mais qui peut ainsi ouvrir la porte sans frapper ? L’un de nous, les gones, naturellement.
Le placard lui-même ira-t-il pourrir ailleurs ? Tous nos appartements et maisons sont meublés. Oserai-je réclamer pour ma part d’héritage la boîte de Lactina, qui a mon âge, puisque je suis la dernière que ma mère allaita ?

2 commentaires:

Blogger Marico Renaud a dit...

C'est magnifique Gelzy!
Tu m'as touchée en entier: l'enfant, la jeune femme et la grand-maman que je suis maintenant. Je te comprends: "la boîte à boutons" de ma mère m'a suivie si longtemps. Je l'ai donné à ma fille aînée il y a deux ou trois ans. Elle a une âme de conservatrice de musée.
Tu dis les choses avec justesse et beauté. Je t'en remercie.

lundi, 15 novembre, 2010  
Anonymous gazou a dit...

ils sont intarissables ces boutons, je n'en reviens pas...Moi, je n'ai pas de souvenirs accrochés aux boutons...Mais il faut continuer tant qu'ils ont des choses à te dire

lundi, 15 novembre, 2010  

Enregistrer un commentaire

Abonnement Publier les commentaires [Atom]

<< Accueil