Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

30 novembre 2010

GRANDET 3

8-
Mais les princesses sont éphèmères
Deviennent vipère, virago
Vérolé devient le beau père un moins que rien, un va-t-en guerre, un pousse au crime,
Plus de sous, plus de liards, plus de pésètes, plus de terres, plus de coffres, plus de vassaux ! plus et encore …
Comme des paniers percés réclament, réclament, à corps et à cris
La princesse, le beau-père, la belle mère et le grand argentier
Y todos, y todas, mas y mas !!

Et Petit Grandet de guerre lasse partit en guerre, reprit du service, fut d’active, reprit l’baluchon, les croquenots, l’arme à l’épaule
Avait oublié la marraine

Froide était la nuit
Froide et gluante
Collait enkystait
Petit Grandet avançait sur le chemin qui ne mène nulle part
Ses pieds écorchés griffaient les pierres
Lourdes étaient les choses, lourd son coeur
Abandonnait, repartait
Ne savait ni où ni pourquoi
Allait
N’était plus que cette obstination d’aller

Si immense la nuit
Grésillante, chuintante, menaçante
Interminable nuit
Mastodonte de nuit ébréchée

Nuit immense, route à ornières, à crevasses, à creux morts … perdurent …
Petit Grandet :
Pauvre Diable, soldat perdu d’une guerre perdue

* poème de Gilles Vigneault

29 novembre 2010

grandet 2

3
sarabande 2ième fois
mâchait sa langue, avait faim, soif


mais entend le vent qui s’ramène doucement, le petit vent,
s’met à chanter « vent frais, vent du matin
dans la nuit le sommet des grands pins…»
P’tit vent Grandet qui vous pousse vers la sortie, la sortie d’l’hiver, la sortie d’la guerre
le vent se lève, il faut tenter de vivre
Bon entendeur p’tit Grandet entend sa marraine
Comme au baptême entend très distinctement :

« J’ai pour toi un lac quelque part au monde
Un beau lac tout bleu
Comme un œil ouvert sur la nuit profonde
Un cristal frileux
Qui tremble à ton nom comme tremble feuille
A brise d’automne et chanson d’hiver
S’y mire le temps, s’y meurent les feuilles
Les jours à l’endroit les nuits à l’envers

j’ai pour toi l’amour quelque part au monde
ne le laisse pas se perdre à la ronde »
IRLANDAIS 4

il a pris ses jambes à son cou
Il a pris son temps dans ses poches
Il a repris courage, il a repris confiance
Il a pris le vent dans les voiles
Il court plus vite que le vent
Il court devant il court devant toujours devant
Il a pris cœur au coeur du monde
Et forcément et forcément …
Il est sorti de la nuit noire

Il est arrivé P’tit Grandet, hé hé l’a fait son chemin le bougre !

Il est arrivé au château
Le premier il est arrivé
Avant les autres, tous les autres
Le pont levis s’est abaissé

5 parttime

La princesse s’ennuyait à mourir
Je peux ! il a dit au roi, son père …
Il a retourné la situation

ça marche ! a pensé la marraine. Et elle repartit ! elle avait pas que ça à faire, ni qu’un filleul

« J’ai pour toi très loin une promenade
Sur un sable doux
Des milliers de pas sans bruit, sans parade
Vers on ne sait où
Et les doigts du vent des saisons entières
Y sont dessinées comme sur nos fronts
Les vagues des jours fendues des croisières
Des beaux naufragés que nous y ferons

j’ai pour toi l’amour quelque part au monde
ne le laisse pas se perdre à la ronde
* le poème ou chanson est de Gilles Vigneault

28 novembre 2010

GRANDET

ou l'histoire du p'tit gars qui n'arriva pas

Grandet ou l’histoire du p’tit gars qui n’arriva pas …

1-avant sarabande

Froide était la nuit
Froide et gluante
Collait aux bottes restantes, s'ankystaient les pieds nus
Avançaient les hommes sur le chemin
Pieds écorchés griffaient les pierres
Traînaient, tiraient, portaient encore, dos épaules reins tête, choses lourdes
Lourdes étaient les choses, les hommes lourds
Abandonnaient, repartaient
Ne savaient ni où ni pourquoi
Allaient
N’étaient plus que cette obstination d’aller

Si immense la nuit
Grésillante, chuintante, menaçante
Interminable nuit
Mastodonte de nuit ébréchée

Nuit, route, soldats perdus d’une guerre perdue

Sarabande 1ière fois
2
Le petit suit la troupe, a suivi …p’tites jambes, p’tite tête bien pleine, p’tits bras, cœur gros comme ça !
A suivi les conseils de la mère
-Tire-toi donc de là ! sors toi d’mes pattes ! va-t’en guerre puisque tu sais pas quoi faire par ici, va t’en donc t’en guerre : t’auras d’la soupe à tous les repas !
Et l’a suivi, l’a suivi la troupe des grands hommes qui traversaient le village, un peu, un petit peu, beaucoup …
Traîne la patte, mal à son cœur, mal à sa rate, mal partout. Pauvre petiot !
ah ben ça non ! Grandet qu’il s’appelle. C’sera pas dit que … appelle dans sa tête sa marraine, la bonne fée !

Chemin faisant, chemin cahotant, brinquebalant, nuit noire

Se répétait le p’tiot Grandet, se répétait la marraine
- un tien vaut mieux que deux tu l’auras !
- A bon entendeur salut !

27 novembre 2010

FAUT RIGOLER 2


« Mais sois vigilant avec les rires, sois vigilant tout le temps, celui qui ajoute du vert au printemps, des roses à l’automne, du pourpre à de jeunes lèvres, crée de la laideur parce qu’il ment, me chuchote Rodin »
Bernard Giraudeau « Cher Amour »

Je me suis tournée vers mon mur d’images et suis arrêtée par le visage de Pascale, entre ses mains, son regard mi-doux, mi-ironique relevé vers le mien.
Tous ces regards amis, aimés, choisis, enfantins, graves, silencieux ne me parviennent pas tous les jours. Aujourd’hui oui ! la neige soulevée par le vent virevolte en gros paquets qui se cassent sur les vitres, les arbres. Le vent chuchote et gueule parfois plus fort. Est-ce qu’il en fait trop, comme l’acteur, comme moi quand je pousse mon rire vers l’exagération du rire, la conviction qu’il fera éclater en moi tous les désespoirs, qu’il embarquera avec lui la colère, la honte, la souffrance que je perçois chez l’autre et nous tirera vers la clarté d’un ciel paisible ?
Je regarde à nouveau vers le mur, glisse, attendrie, au dessus de Pascale, remonte vers Anne qui fait voler sa petite fille autour d’elle comme une feuille. Comment dire sans effet grossissant le bonheur de cet instant d’il y a quelques vingt années. Retrouver le souvenir de ce qui fut : rires, jeux, élans … juste, évident, éternel …c’est bouturer la certitude que vivre a eu un sens, l’a toujours …
Sur mon mur les morts et les vivants se répondent, plaisantent, chahutent … y compris bien sûr ma petite marraine qui continue de me conseiller « Faut rigoler ! »
Ajoutant de sa voix de clown centenaire :
« Avant qu’le ciel nous tombe sur la tête »

oh yé ! faut rigoler Pascale ! Faut rigoler ma fille Anne !
Tant pis si on en fait trop ! tant pis si ce n’est pas le bon moment !
Tant mieux si ça déride ! déridera ! et tra déridéra !
because life is so funny ! so wonderful !

25 novembre 2010

LES GIETES


Monsieur et cher auteur,
Vous m'aviez souhaité Bonne lecture de "Les Giètes", lors de votre
présentation à Autrans à l'Anecdote. Vous dire que cette lecture fut
grand plaisir, partagé avec mon compagnon, de jour en jour, dans une
lecture à voix haute. Ce matin, avant qu'il descende sur Grenoble, nous
habitons St Nizier, nous avons laissé Maximilien s'en aller, confiants
dans la suite de l'histoire. Nous avons pleuré de rire,souvent, parfois
pleuré de pleurer. Nous avons aimé votre virtuosité à boucler les
boucles, à friser les métaphores, à rendre vie à la vie. Précision :
nous sommes vieux, pas encore très vieux mais en charge de plus vieux que
nous. Aussi avons-nous apprécié la justesse du récit, cru nous
reconnaître, ou reconnaître des amis ... j'ai voulu faire profiter mon
fils de ma découverte mais en voyant le livre il m'a aussitôt grillé.
De même Elouan mon petit fils à qui vous avez dédicacé "La Mêche" vous
avait déjà lu ! il a cependant gardé le deuxième exemplaire à cause
de la dédicace.
bon ! voilà j'ai tout dit. Comment faire profiter les copains de cette
verve, de cet humour jamais blessant ? Où peut-on se procurer vos
ouvrages ?
R:*dans toutes les bonnes librairies
Editions Thierry Manier
à FABRICE VIGNE

CITATION Giètes

"Autrefois, à la ferme, on se préoccupait tout spécialement des vaches qui s'apprêtaient a vêler, parce qu'une bête de mieux, tu comprends, c'était très important pour nous, pour la ferme, ce que ça donne de travail et de richesse. Alors on la posait cette question, comment ça va. On disait: Comment va la vache ? Et on répondait: Elle est dans les giètes. Ce qui voulait dire: Le veau est à terme, la vache peut accoucher n'importe quand. Les giètes, ce sont ces jours en surplus, ces jours qu'on peut arrêter de compter, il n'y a plus qu'a attendre ce qui aurait déjà dû arriver. Alors tu vois, nous autres, que faisons-nous dans la Maison ? Nous faisons des giètes sur la mort. Et j'ai ri, j'ai ri franchement, content de ma trouvaille."

24 novembre 2010

LUNE


ce matin, lune locale en plein jour

"Beauté ma toute droite et ma toute dormante"
(René Char)

Beauté ma toute droite et ma toute dormante
je suis venue vers toi un matin de septembre
espérant éveiller ta voix en poésie
tu m’as jeté un œil à défaut d’une plume
depuis lors je surnage sur la vague et le bruit
et je fais mon bonheur de ce rayon de lune

23 novembre 2010

IL Y A ... Y A T-IL ?



"Y a-t-il un espace quelque part
Où le maître d’abeilles
Trouve à qui parler ?"
Alexandre Voisard

Il y a des matins où tout est facile
- Trouver de la place pour ranger, libérer l’espace au garage pour loger la voiture ( la neige tombe), ramasser sur le tambour la feuille de la veille où s’étaient posées les couleurs restantes de la palette ( ne jamais rien laisser perdre une once de peinture à l’huile qui coûte si cher) répondre au téléphone et oui ! bien sûr ! annoncer qu’on passera chez Emmanuel prendre les consignes pour accorder les contes aux violoncelles et puis …
- Crac ! la voiture prête des détritus à vider à la décharge, la carcasse se disposant à se chausser … le dos, les reins protestent ensemble et vivement ! qu’ils ne continueront pas le programme
- Non non non non ! ouyiou you youillou !
- S’apaisent enfin, reprennent un service prudent mais c’est trop tard pour le conte …

Heureusement entre deux rangements avaient laissé se poser sur la feuille l’inscription du carnet ouvert tout seul à la page du jour. Un autre jour soudé à celui-ci par le maître des abeilles. Soudé, pas coincé !

Il y des matins …

22 novembre 2010

LIVRE DE RAISON



de l'atelier d'écriture

Mon livre de raison serait celui que je n'ai pas encore écrit tant la raison me fait défaut. Bien sûr chaque nuit d'insomnie j'en feuillette les pages, je réécris l'histoire déraisonnable de naître ici, plutôt que là, il y a tant d'années plutôt qu'hier ... mais, Pénélope à l'envers, je les brûle sitôt que réveillée. Je vais alors à ma journée. Je redécouvre le paysage flamboyant de la réalité montagnarde du jour. Beau soleil sur la chaîne de Belledonne. Les trois Pucelles en gloire matinale pendant que s'affairent les installateurs des décorations de Noël sur la Place. Est-ce bien raisonnable de couper les branches du sapin pour les remplacer par des cercles lumineux ? Bah ! c'est l'équipe bénévole de déco, laissons-la faire ! j'ai envie de chanter, je chante dans la voiture. En arrivant, aux compagnons d'installation de tableaux dans la salle d'expo, je propose le chant de Gainsbourg pour faire glisser le café."D’avoir posé le cul dans l'herbe tendre ..." le mot brut semble choquer quelques dames alors que j'ai un plaisir enfantin à le faire sonner ! Le soir, avant de quitter "les artistes en liberté" et de regagner ma chaumière, j'arrête la pleine lune dans l'appareil photo. Que puis-je ajouter à la raison du jour ? Rien ! c'est parfait. Le bonheur des échanges gratuits, libres, de Louise, la petite fille à Aneta, la jeune femme, de la qualité de la pintade aux champignons et châtaignes qu'a cuisinée Marie-Laure pour midi à l'apéritif municipal plantureux ...


PS
Pas se casser le cul
Savoir s’éprendre
De quelques baisers tendres
Sous un coin de ciel bleu

21 novembre 2010

Dernières roses mais ...


Les fleurs au printemps, la lune en automne
La brise fraîche en été, la neige en hiver
Débarrasse ton âme de toute pensée vaine
Chaque saison sera pour toi un enchantement
Mumon ( 1183-1260)

18 novembre 2010

TOUT LE MONDE ...


de l'atelier d'écriture
TOUT LE MONDE PARLE EN MÊME TEMPS
Personne n'écoute ! Chacun veut avoir raison ! situation connue dans les AG, les réunions de famille, politiques, religieuses etc ... d'où l'importance des boules "quies" pour qui veut se taire mais être là tout de même en observateur bienveillant.
J'aime la parole unique du poète. Il me la tend sans rien exiger de moi. Que je la transporte, que je la déforme, que je m'en nourrisse ... Il s'est contenté de la déposer à ma portée.
"le ruisseau : une rumeur qui avance, escortée de celle des arbres, des oiseaux cachés sur ses bords" Philippe Jacottet
Mon ruisseau : une enfance à chaque pas renouvelée, une entente pacifiste entre Mes arbres, Mes oiseaux, les bords de Ma vie accordés au rythme de son milieu.
Ah si tout le monde parlait en même temps pour le même chant ! mais tout le monde n’a pas le même ruisseau …
« Ah le rire des ruisselets, ce sempiternel bon-enfantisme, cette façon d’avancer de rire en rire, de chuchotis en chuchotis, et tout cela pour ne rien dire et finir à la rivière »
Ce ruisseau-là est de Michaux !
et Mon ruisseau alors se marre à écouter parler toutes ses gouttes à la fois dans un joyeux charivari !

17 novembre 2010

boite à CHANSONS

Dans une vieille maison
Où vécurent des femmes
Que reste-t-il donc
Dans cette maison ?
Quand elles se sont envolées
Ou qu’elles se sont dissoutes
C’est comme vous voudrez
Que reste-t-il donc ?
Une boîte à boutons

Voyez-les s’habiller
Chaque petit matin
Pour aller à l’école
Ou pour traire la chèvre
Ou pour cuire le pain
Agrafant les agrafes
Boutonnant les boutons
De tous ces doigts lents et pensifs
Ou vifs et pressés
Que reste-t-il donc ?

Une boîte à boutons

Jolis boutons de nacre
Boules de verres des corsages
Enfilés sur un fil
Pour un autre destin
Je vous retrouve enfin
Mais j’ai perdu la trace
Des visages et des mains
Que reste-t-il donc

une boîte à chansons ?

Blancs boutons des corsets
Boutons noirs des casaques
Des caracos de laine
Des blouses en coutil
Boutons dépareillés
Qui allèrent à parade
Des noces pour la vie
vous vous cachiez donc
Au cœur de la maison

BOITE à CHANSONS


Pour en finir avec les boutons, voici la chanson inaugurale. C'était donc il y a moult années, pendant les travaux de réparation de la maison que la chanson avait traversé mon territoire.
Depuis elle a fait carrière. Jouée au piano par Claire qui m'avait aidée à la traduire en accords, reprise à la guitare par la même, mise en carton d'orgue par Pierre, elle a voyagé ... et même jusqu'à St Julien Molin Molette et la place aux fontaines !
J'avais mis trois ans avant de m'apercevoir que d'autres que moi boutonnaient et déboutonnaient le passé en pensées, en paroles, et en action. Repéré au musée dauphinois en 2007 le travail de La Mercerie, oublié, relancé par Andrée dans mes mains. Elle me donne un carton à coudre de mots "Tiens ça va t'intéresser !" à Villard de Lans quand La Mercerie installe un projet à la Maison du Patrimoine. Je transmets alors la chanson, le récit et tout s'enchaîne à merveille, sans tiraillements, sans éruption ! Que du bonheur !
MIchel Jeannès en fait un film.

je viens de matérialiser une branche de l'arbre aux boutons en reprenant un embryon de broderie au point de chaînette posée sur une serviette blanche de La Berthe, retrouvée évidemment dans la maison.

J'aime bien quand ça roule comme ça, les boutons, les chansons

Si bien que, pour ce cas, il n'est pas faux de dire que (parfois, par foi ? ) tout finit et commence en boutons de chansons, en chanson de boite, en boite à chansons !

16 novembre 2010

HIER

Villeneuve, 15 novembre
-Combien étaient-ils ?
*Plusieurs, cinq ou six, deux seulement dont j’ai entendu la voix et senti le souffle
- Quel âge ?
*Des gamins ! 12, 13 ?
- Quels mots prononcés ?
(Arrachés, criés, vitupérés, déchirés, jetés comme le sac)
- Des sous ! donne des sous ! des billets !
- Fais pas de bêtise, je te donne des sous ! laisse-moi mes papiers !
- Encore ! des sous ! des billets
- Tiens c’est tout ce que j’ai !
- Casse-toi ! casse-toi !
Le mot de la fin : « excuse-le Madame ! »
Le lieu : la galerie de L’Arlequin à La Villeneuve
Sûr que c’était pas malin que la vieille dame avance, un sac à la main, le sac dit à main à l’épaule, à découvert dans la galerie ventée et pluvieuse, d’une main avec le parapluie, le capuchon de l’imper rabattu sur son front.
Possible qu’elle ait un peu anticipé en apercevant les silhouettes, une dans le renfoncement, les autres groupées en face mais hop ! c’était déjà en route, le sac à main arraché de l’épaule, elle titube, elle ne s’affale pas, elle court après le gamin qui a chopé le sac et entrepris de le vider. Casse-toi ! lui conseillent les autres ! mais elle s’obstine à récupérer ses papiers. Il a fait glisser la fermeture éclair de la poche intérieure du porte-feuille. Elle lui donne le billet de 1O euros qui s’y trouve, le paquet de pièces. Elle récupère le sac, le porte-feuille, se retourne vers le pilier d’où a surgi l’agresseur, se baisse pour ramasser son permis de conduire, attrape quelques tickets de bus qui ont volé …
Casse-toi !
Elle prend par le travers pour s’éloigner de la petite teigne irascible et frustrée. Heureusement qu’il n’a pas vu la liasse de billets tirés du distributeur et logés dans une autre poche du porte-feuille !
A l’arrivée chez Marie, son amie du 150 qu’elle venait visiter, venant de l’avenue La Bruyère où elle s’était réjouie de voir ses amis C. en forme, elle vérifie qu’elle a l’essentiel du contenu, la carte bleue, les carnets de chèques, le permis mais … Merde ! pas la clé de voiture !
Toutes deux retournent dans le vent et la pluie pour chercher la clé. Tiens ! la voilà ! soigneusement posée à ras du pilier, bien en évidence … le garçon protecteur qui l’a mise là ? un passant …

Ben oui ! c’est la ville ! c’est la vie ! des gosses, des gamins pris dans l’étau des contradictions, menacés qui menacent … ce pourrait être mes petits-enfants
C’est la Villeneuve vieillie, défraîchie, l’Arlequin qui a perdu ses couleurs vives.
- Excusez-le Madame !
je le plains. J'ai peine pour lui.

BàB 4 et fin


Cette boîte est à moi.

Tant de travail Maman ! Et tant d’enfants pour aboutir à cette solitude. Je hurle de détresse et je prends mes jambes à mon cou. Écrire est une invention diabolique pour me perdre. Irrémédiablement perdue si tu ne m’accompagnes plus.
Mais non ! Je le sais bien. Je vis déjà sans toi et hors des cercles pourtant précis et méthodiques que tu avais tracés pour me garder. Je vivrai sans ta voix, sans ta caresse, sans tes rudesses dans un monde que tu ne connais déjà plus mais que je m’accoutume depuis quelques années à comprendre pour ne plus avoir peur.
Tiens ! Je pense à quelque chose, j’ai une idée ! Je sais bien qu’elle est stupide, que je ne la suivrai pas parce qu’ils seront tous là à regarder et que j’aurais peur de te fâcher malgré tes yeux obstinément fermés dans la boîte de chêne. Dans des moments pareils on doit faire ce qui s'est toujours fait, il n’y a pas de raison que ça change.
Je ne la suivrai pas cette idée stupide, indécente, mais aujourd’hui, en secret, permets que je la caresse doucement ...
Au lieu de la croix d’eau bénite, au lieu de la poignée de terre, je verse la boîte à boutons. Garde-les bien maman !
Sait-on jamais ? Ça peut encore servir ...

15 novembre 2010

B à B Suite 3


Comment sortir de la boîte à boutons ? Comment échapper au dé du sort ? Comment commencer un jeu de l’oie qui n’aboutisse pas à une case vide ? Comment coudre avec ces boutons d’aujourd’hui ces tristes jours dépenaillés d’hiver d’hier ? Comment se rappeler sans se prendre les pieds dans les fils des tiroirs, dans les pelotons de mensonge ? Oh ! tout petits mensonges ...
La boîte à boutons existe encore. Bientôt la porte du placard se fermera. La clé à tout jamais roulera et ne se retrouvera plus. Pas une fois que je n’aille la voir sans que Maman me rappelle qu’elle va mourir. On jettera sans un regard la boîte dans un sac en plastique avec toutes ces vieilleries qui ont accompagné sa vieillesse et qui ne représentent d’utilité que pour une vieille glaneuse de boutons, de menus gestes encore utiles tant qu’ils la maintiennent en vie. Coudre un bouton, celui qui manque justement et que la boîte avait gardé, à même le vêtement tout près du corps, comme on a toujours fait, sans oser réclamer une bise en remerciement.
Ma maison n’est plus ma maison. Ma mère toujours ma mère. Quand cela se passera -t-il ?
Caché, trouvé. Le fauteuil cache l’entrée du placard. Il y a déjà longtemps que je n’ai pas vu la boîte. Mais je sais bien qu’elle se trouve toujours là, tapie dans l’ombre, qu’il suffirait que je demande “ Tu n’aurais pas un bouton pour ...”. Médiocre ruse. Maman a les yeux vagues. Elle “ songe ” dit-elle. et des cernes se creusent. La chienne est venue poser son museau sur ses genoux. Elle la caresse machinalement. Elle n’a plus qu’elle à caresser. Pas plus que les enfants, Olga la chienne n’a de reconnaissance. Que la porte de la cuisine s’ouvre brusquement, elle bondit vers le nouveau venu pour des caresses nouvelles ou pour plus amples renseignements. Mais qui peut ainsi ouvrir la porte sans frapper ? L’un de nous, les gones, naturellement.
Le placard lui-même ira-t-il pourrir ailleurs ? Tous nos appartements et maisons sont meublés. Oserai-je réclamer pour ma part d’héritage la boîte de Lactina, qui a mon âge, puisque je suis la dernière que ma mère allaita ?

14 novembre 2010

B à B Suite 2


Il me vient un sourire. Est-ce pour son double rôle que je voudrais qu’elle m’appartienne ? L’explication ne dit pas tout ! Qu’elle m’appartienne comme la maison toute entière, comme la tablette de chocolat toute entière, comme ma mère, comme ses genoux et son ventre. Toute à moi.
Je prenais la boîte dans le placard. Je la renversais donc d’un geste immuable sur la maie. La maie n’a pas changé. On a recouvert le couvercle de bois. Il n’y a plus rien à pétrir. Je n’entends plus les grands bangs sourds tôt le dimanche matin avec lesquels mon père cognait la pâte jusqu’à la rendre souple et réveiller toute la maisonnée. Ce n’est plus à ces bruits que je me réveille le dimanche matin. Les boutons roulent sur la table à partir du tas immédiat près de moi. Je joue sans règle et sans durée. Je regroupe les couleurs. Je couds à l’enfilée, moi qui ne sais pas tenir une aiguille ! (Ah celle-là ! Elle ne sait même pas tenir une aiguille) des boutons sans nombre sur de longues robes longues. La robe longue est le signe d’évènements incommensurables, des mariages, des comices agricoles, en organdi, en satin, en toile de parachute à la sortie de la guerre. Je bâtis fil-à-fil, “ fil à bâtir ”, des destins remarquables où je serais remarquée. Et mes boutons se boutonnent tout seuls sur ces ouvertures extraterritoriales tandis que Maman rattache, énervée - je bouge tout le temps je suis une sandrôye, une sans jugeotte et une sans souci - le nœud à ma robe-tablier.
Maman, la Maman, la nôtre et la mienne qui n’a jamais eu de bonne pour l’aider, jamais de robe longue pour danser, seulement beaucoup de boutons à recoudre.
Que je ne les perde donc pas ces boutons ! Ils ne me sont que prêtés. Voici que l’angoisse me prend. Quelques-uns ont roulé par terre, sous le placard, ils ont disparu ... Je vais les chercher avec le manche à balai que je fais aller et venir maladroitement parce qu’il est trop long pour mes petits bras. Je ne jurerai pas d’être pressée de ramener les boutons capricieux avant que Maman s’aperçoive de ma sottise. Je suis Bien, là, allongée au ras du buffet, les fesses en l’air, le regard dans les profondeurs de dessous, ramenant des bourres de chat, des filoches de poussières, une vieille patate, des dessous quotidiens que le balai d’ordinaire envoie sous le placard plutôt que d’aller les chercher. Je m’appesantis. Le temps se délite et s’enroule, se mord la queue comme le dit le poète, mon voisin.

13 novembre 2010

La boite à boutons originelle 1


4 Nov 1985

LA BOÎTE A BOUTONS

Ce que j’aurais aimé sans doute c’est être propriétaire de la boîte à boutons, une boîte à boutons à vie que l’on prend tranquillement dans le coin du placard où elle se trouve et où elle revient toujours. Une boîte à boutons transmise mais sans aucune ambiguïté d’héritage.
La boîte à boutons - ancienne boîte de Lactina - ramassait tous les boutons de récupération : culottes, corset, chemises, caracos, nacre ou acier, bois, et certains peints se décolorant sous la langue et le doigt. Elle se tenait dans l’angle droit sur la première étagère du placard du bas.
Il y avait deux placards dans la cuisine, un foncièrement de cuisine avec les bols, les verres, les assiettes en haut, les provisions, l’assiette de fromage, le litre de goutte, le pot de beurre cuit en bas. Provisions, dont le chocolat placé hors de portée. Nous avons certes grandi suffisamment pour l’atteindre, mais il se trouve toujours hors de portée symbolique, dans la même boîte à biscuits rouillée. Les petits-enfants eux se servent sans vergogne et quand je vois ça, j’aime mieux détourner la tête.
Deux placards, le deuxième au fond avec la boîte à boutons. On a retiré le haut de ce buffet, je me demande bien pourquoi. Dans celui-là est le linge.En bas les torchons, les “ pates ” morceaux de drap pour raccommoder les draps, faire des pansements, les chemises - de dessous et de dessus - les tabliers. Sur l’étagère les bleus, les velours, les vestons, les flanelles. Flanelle : le mot désigne à la fois l’étoffe qui absorbe si bien la sueur en été, et réchauffe en hiver et la découpe du vêtement. En bordure des piles de dépôts inutiles, moufles recouvertes de peaux de lapin, passe-montagne tricotés, genouillères de laine, dégringolent souvent.
Les deux placards, celui de l’entrée et celui du fond “ Tu sais bien, c’est dans le placard du fond, va me le chercher ! ” étaient souvent trop pleins ou mal rangés. Parce qu’on ne jette rien de ce qui peut servir, ou qui a pu servir dans ce passé que je n’arrive pas non plus à jeter. Les temps sont durs, l’expérience de la vie on la “ garande ”. Toute une vie en un seul lieu qui monte la garde, qui se garde toute. L’ordre du buffet du fond est moins immuable que celui de l’entrée, mais on les nomme tous deux indifféremment Buffet ou Placard. Nous ne ferons que tardivement connaissance avec l’Armoire. L’armoire à linge. Sans beau linge. Par héritage de la Tante Blanche.
La boîte à boutons dans ces réserves devenues inutiles puisque Papa est mort, est la seule à jouer et à travailler encore. Réticule de prévoyance. Jouet bon marché assuré d’un succès certain. Les petits-enfants puis les arrière-petits-enfants auront le même plaisir que nous à la renverser sur la table pour y patauger joyeusement et inventer des assemblages.

12 novembre 2010

2 BOUTONS !



L’ennui avec les boutons c’est qu’on n'en trouve toujours qu’un à la fois. Un seul bouton ne peut pas te servir à grand chose. A moins qu’il ne ressemble à ton bouton perdu comme deux gouttes d’eau. Et ça c’est plutôt rare ! mais, tu comprends ?,quand j’ai vu ces deux boutons-là briller comme deux prunelles dans l’herbe verte, « vrai ! j’me suis dit : Quelle veine ! »
Je me suis baissée, je les ai cueuillis
… et depuis ils me regardent. Quand j’ai peur, quand j’ai mal …
Comme ma maman ils me regardent et ça va mieux …

11 novembre 2010

BOUTONS !


ma boîte à boutons étalée artistiquement à la Maison du Patrimoine

C’est une question fort ardue
Très sournoise et tatillonne
Qui pendant la nuit m’est venue
Qu’est-ce que les boutons boutonnent ?

Certes on peut dire à première vue
Joignant l’utile à l’agréable
Nous serions gônés à la diable
S’ils n’étaient point là retenus

L’envers et l’endroit les soutiennent
La droite à la gauche est liée
Avec eux revient le passé
Et le présent va à la peine

Le bon côté cousu aux ailes
Le haut des chausses aux bretelles
Le revers des manches aux poignets
Grâce aux boutons gardent secrets

Je ne connais que la flanelle
Que mon père drapait sur ses reins
Qui puisse tenir le matin
Sans que boutons vaillent ficelle

On a bien cherché remplaçants
Scratches et fermetures-éclair
Ils sont toujours là comme avant
Pour que les deux fassent la paire

Pourtant la question me chiffonne
La réponse reste sur mes bras
En fin de conte je ne sais pas
Ce que tous ces boutons boutonnent

Ps : Peut-être le haut et le bas
Qu’Adam et Eve trouvèrent tout seuls

"gônés en patois, mal habillés

10 novembre 2010

cette route ...


Cette route luisante
Au royaume des os
Emporte à la cascade
Un peu de son écume
Emporte à la rivière
Un peu de ses roseaux
De quoi faire une étoile
Un arbre, des oiseaux,
Une charrette à l'ombre
Un village au soleil
Des cloches, des murmures
Des fontaines, des bois
Des villages encore
Sous la fumée des voix
Détournée de l'espace
par la magie des herbes
Elle s'élève et passe
Elle entre dans le rire
immense des rosées
Et s'étend sur la nuit
Comme une bête lasse
Une route éternelle
Au gré des voyageurs
Mais qui change et qui meurt
Et renaît à chaque heure
Une route inquiète
Qui s'endort sous nos pas
mais s'accroche à la terre
Pour être là demain.

G.BOURNOURE

09 novembre 2010

PIECES


COMPTER LES ANNEES, COMPTER LES BOUTONS

le mot du jour à l'atelier
pièces ? mettre en pièces ? découper en rondelles ? \"cinq sous, cinq sous, pour monter votre ménage\" chantait mon père en tambourinant sur la table, un petit enfant sur ses genoux. Cela pouvait durer des heures !\" cinq sous, femme que ferons-nous ?\" pièces ? mettre des pièces aux draps usés, aux coudes élimés, aux fonds de culotte, faisait ma mère avec une réutilisation de l\'ancien admirable, par exemple dans les chemises de chanvre de son grand-père elle découpait aux dimensions du trou. légèrement plus pour rabattre à la couture dite précisément rabattue. Là aussi que de temps passé à ravauder le temps. Avec cinq sous seulement la femme savait tenir le ménage. Pièces ? Rouler les pièces, les foudres pour les rincer, soufrer, afin que la piquette reste bonne. Là encore c\'est mon père qui sourit dans la cour. Pièces ? dans les pièces de tissus, beaux lainages, affriolants linons, rayonnes moirées, c\'est ma soeur couturière qui accommode tout le village. Et les essayages devant le grand miroir. Et les heures de la nuit pour finir à temps chaque pièce du puzzle, le marié, la mariée, les demoiselles dites d\'honneur Pièces ? multiplier les pièces quand la famille s\'agrandit ? et pour la couturière revenue d\'apprentissage en créer une nouvelle baptisée salle à manger et atelier. Où que je me tourne c\'est toutes les pièces du puzzle familial qui appellent

08 novembre 2010

souvenez-vous


Le chemin de croix à Bois Barbu épouse les pentes, épouse aussi les soubresauts de l'histoire ( celle du Vercors et de ses résistants. l'aubergiste nous avait indiqué un sentier en dessous de la route et là se trouvait la plaque émaillée. La journée était belle, somptueuse même. La modeste plaque émaillée rappelait le miracle de l'instant suspendu.

07 novembre 2010

des coeurs

Stage de clown annulé mais une rencontre, ce beau jour en Vercors ensoleillé, avec deux petites filles qui m'offrent des dessins, des coeurs, et même de rester chez elles pour y dormir ...



Des cœurs …

Il y a des cœurs qui se vendent
Mais Léa préfère les donner
Il y a des cœurs à prendre
Marie-Lou préfère les aimer.

Dans la maison aux volets rouges
Il y a tant de cœurs offerts
Qu’on ne sait les yeux où poser.

Le ciel est bleu, Novembre accouche :
Tant de cœurs pour si grand espace
On dirait que Saturne enlace
Dans la maison aux volets rouges
Les cœurs de ciel aux cœurs de pierre
Les cœurs bleus avec les cœurs rouges

05 novembre 2010

FAUT RIGOLER 1


disait ma marraine, qui prolongea la scène de la comédie jusqu'à 103 ans !


Quand nous aurons cent ans
Ami, rigole !
De ta bouche édentée,
Quand nous aurons cent ans
Que la trop belle meunière
Du beau moulin d’à-côté
Ne voudra plus nous aimer
Ami, rigole !
Nous saurons encore pleurer

Quand nous aurons mille ans
Ami, rigole !
De tes jambes écartelées
Quand nous aurons mille ans
Que tous les bals du village
Se seront désintégrés
Ami, rigole !
Nous irons encore danser

Quand nous ne serons que poussière
Ami, rigole !
Du fond du trou mal bouché
Dans l’air bleu du cimetière
Nous viendrons encore voler

Car nous sommes de la race
Des moineaux et des rapaces
Qui à tant vouloir aimer
Ne peuvent pas s’arrêter

D’rigoler !

04 novembre 2010

L'ARGENT


c'est le mot du jour à l'atelier d'écriture ... et comme je suis revenue près de l'adsl ...
illustration: Trois têtes d'argent fêtent des anniversaires. l'une est plus que centenaire


L'argent est belle couleur en novembre.
Couleur des rêves dans la chambre.
Age des amours fatiguées.
Noces qu'on espère encore
prolonger comme madrépore ...

L'odeur de l'argent en novembre
semble un feu qui n'a pas de cendres
mais reste collé aux chenets.

Que seraient paroles d'argent
quand se vendent silences d'or ?
Mieux qu'un regret ?
Mieux qu'un regret non exprimé.
Alors je parle à la lune.
Chaque nuit je sors de la brume
et je m'en vais
sur le petit chemin côtier
où sont disparues mes années.
J'écris - car la lune est bavarde-
chaque fois que la mort me nargue.
Chaque fois que je perds patience.
D'accrocher aux rayons d'argent
un peu plus que bons sentiments :
je cherche.

Les trembles, les saules, les bouleaux
mpruntent argent au notaire
chaque fois qu'ils peuvent soutirer
un fil pour se raccommoder.
Humeur de leurs feuilles en dentelles.
chaque fois que la lune bêle.
Et les étoiles ? Où filent-elles ?

Foin de tourner autour du pot !
Ce matin j'ai payé mes traites.
Ce midi j'ai mangé sans viande.
Ce tantôt regardé mes tempes.
Et j'ai trouvé soupçon d'argent.

Mais bah ! à blablabla nul n'est tenu,
même s'il lui reste caractères.

"l'argent ne fait pas le bonheur
des pauvres
et c'est bien la moindre des choses :
Convenons-en ! »