Mots et couleurs

textes auto-biographiques anciens et actuels, poésie, chansons, contes et nouvelles

09 novembre 2012

le bracelet


«  Elle l’agrafa sur son bras, fit jouer des bluettes sous les bougies électriques : cent menus arcs-en-ciel, enflammés de couleurs, dansèrent sur la nappe blanche »
COLETTE, le bracelet in "La femme cachée" 1948


Éclats, éclairs : les peaux s’allument, les rires s’allument. Le temps est à la foudre des flonflons et des rêves. Qu’un simple bracelet puisse engendrer des lumières sonores, des échos d’abandon, d’amour, des turbulences dans le menu, était une évidence. Elle le savait jusqu’à ce soir sans l’avoir vérifié. Elle le savait de longue transmission de femme à femme. Fière de son savoir, heureuse de cette mémoire en elle rassemblée, conquérante et conquise, elle cliquetait à chaque sursaut du bracelet, elle étincelait de chaque bougie. Elle était une et cent autres.

Lui, ébloui, éperdu - ce qui veut dire lucide – se contentait de la regarder sans un mot. À quoi bon les mots entre eux deux, fussent-ils doux, nouveaux, intelligents et justes ?
Le bracelet, le bracelet offert, sorti de son écrin, avait relégué tous les dictionnaires grecs ou latins. Quelle bonne idée il avait eue ! Bah ! À quoi bon les idées quand l’heure est bonne, est bonheur, est à l’extase, à la soumission aux pulsations intimes, aux découvertes imminentes, à la conservation des rythmes ancestraux !

Et l’un et l’autre, d’un même souffle, d’un même geste et d’une même inspiration, s’élirent et se lièrent.
D’un même bracelet. 
Sur une nappe blanche.

1 commentaires:

Blogger Solange a dit...

Une union symbolique. Bonne fin de semaine.

samedi, 10 novembre, 2012  

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